Zaki Semlali, président du groupe de l'Union constitutionnelle à la Chambre des représentants, lance une proposition de loi portant création d'un nouveau corps sécuritaire, celui de la police municipale. ALM : Vous venez de terminer la rédaction d'une proposition de loi relative à la création d'une police municipale. Comment vous est venu cette idée? Zaki Semlali : En fait, lors des discussions de la loi de Finances 2004 au Parlement, tout le monde a constaté que l'Etat a du mal à créer de nouveaux postes budgétaires par manque de moyens financiers. Parallèlement à cela, la police nationale et la gendarmerie expriment, d'année en année, un besoin en effectif car effectivement il y a une recrudescence, surtout en milieu urbain, de la petite délinquance, de l'agacement quotidien des citoyens et de l'incivilité. En somme, la présence policière est aujourd'hui une nécessité et une demande de l'ensemble des Marocains. Je me suis intéressé aux expériences étrangères dans ce domaine, notamment au Canada, en France et aux Etats-Unis. Figurez-vous qu'en France, la police municipale existe depuis la fin du 19ème siècle, bien avant la police nationale. Quel rôle devra jouer la police municipale? Il faut préciser que la police municipale n'empiètera nullement sur les prérogatives de la police nationale et de la gendarmerie. Bien au contraire. Sa création s'inscrit dans une optique de complémentarité en vue de décharger la police nationale des tâches quotidiennes. Elle sera chargée de la prévention et de la surveillance d'infractions bien précises, comme la protection de la nature dans le cadre d'une police environnementale. Aujourd'hui, le maire détient des prérogatives de ce genre, mais matériellement il est dans l'incapacité de les appliquer, notamment car les textes ne sont pas clairs. Cette police municipale sera également chargée d'intervenir en cas de violation de certains aspects du code de la route comme le stationnement. Elle peut aussi intervenir en matière de circulation dans les ronds-points ou dans les grandes artères des villes. A ce titre, les agents de la police municipale seront chapeautés par un officier de la police nationale. Combien pensez-vous que ce projet va coûter à l'Etat? C'est justement tout l'intérêt de ce projet. Il n'y aura absolument pas de création de nouveaux postes budgétaires. Il s'agira uniquement de redéployer les fonctionnaires des collectivités locales et les intégrer dans la police municipale. En d'autres termes, celle-ci n'engagera aucun effort financier supplémentaire de l'Etat et des communes. Les agents de la police municipale demeureront des fonctionnaires territoriaux, sous la responsabilité des présidents des communes. Ils seront également payés par ces mêmes communes. D'ailleurs, bon nombre de mairies, pour ne pas dire toutes, souffrent d'un grave sureffectif. La ville de Casablanca, par exemple, ne compte pas moins de 7.000 fonctionnaires qui ne font rien du tout. Toutefois, les agents devront subir une formation spéciale au sein de la police nationale avec laquelle ils seront appelés à collaborer étroitement dans le futur. Pour ce qui est de cette formation, les communes ont toutes des budgets consacrés à cet effet. Comment vont s'opérer les recrutements, sachant que les communes n'ont aucune expérience en matière de sécurité? Les candidatures seront déposées par les communes auprès d'une commission provinciale dans laquelle siègeront notamment la police nationale, la gendarmerie et le procureur. Une fois les candidatures acceptées, c'est le ministre de l'Intérieur qui prendra la décision finale selon des modalités bien précises. C'est tout à fait naturel, car le ministre de l'Intérieur détient la tutelle à la fois de la police nationale mais aussi des collectivités locales. En outre, même si l'agent de la police municipale demeure un fonctionnaire communal, je souhaite qu'il bénéficie d'un statut particulier, avec notamment des primes de risques, afin d'attirer les meilleurs éléments. Les agents de la police municipale seront-ils armés? Absolument pas. Ils ne seront pas armés, mais ils auront droit à des talkies-walkies pour rester en contact avec les agents de la police nationale. En cas de constatation d'un délit grave, les agents de la police municipale ne peuvent pas intervenir. Cependant, ils seront tenus d'en informer rapidement les agents de la police nationale. Je tiens à ajouter que les policiers municipaux auront une tenue uniforme à l'échelle nationale. En fait, leur simple présence dans nos rues aura un caractère dissuasif. Pensez-vous que votre proposition sera acceptée par le gouvernement et la majorité parlementaire? Je ne sais pas encore quelle sera leur réaction. En fait, le texte compte une vingtaine d'articles, mais il nécessite la modification de quatre ou cinq autres lois. L'essentiel pour moi est de prouver que les partis de l'opposition ne dorment pas. D'ailleurs, je considère que le ministère de l'Intérieur est un département de souveraineté qui n'appartient ni au gouvernement, ni à la majorité gouvernementale. La préparation de ce projet a nécessité plusieurs semaines de recherches. J'ai contacté des députés français qui m'ont envoyé de la documentation. Les partis de la majorité doivent comprendre que l'adoption de ce projet aura des retombées positives sur l'action de notre police nationale qui se consacrera davantage à l'approfondissement des enquêtes et à la grande criminalité.