«Il y a deux façons de se tromper : l'une est de croire ce qui n'est pas, l'autre est de refuser de croire ce qui est» Kierkegaard L'âme en déperdition se cherche. Les magasins pullulent de fourmis humaines en quête de bonheur. Toutes les occasions de fêter sont demandées. Vous me direz comme toutes les années à Noël et au nouvel an. Mais la réalité est autre. La réalité est amère. On ne se morfond plus des pertes humaines par la Covid, notre système de résilience 2.0 s'adapte à une vitesse éclair. Il y a plus grave et plus difficile que la Covid, ses pertes humaines et l'incapacité de maîtrise mondiale. La gestion de l'homme, après solidarité vécue ou affichée, et valeurs transcendées ou discours mièvres sur un retour aux valeurs et à la Terre-mère ; l'homme en bon homme qu'il est, se concentre sur lui-même. La question n'est plus de sauver l'autre ; mais de se sauver soi puis les siens. Si possible. On fait des choix. On regarde les statistiques mondiales, un thé ou un verre de vin à la main, on se désole et on remercie Dieu et la nature de nous sauvegarder. Quel fût mon étonnement d'entendre dire avec éloquence et discernement narcissique dans les groupes bobos de notre chère casablancaise que la Terre était surpeuplée, que la nature reprenait le dessus, que la Covid arrivait au bon moment pour permettre à nos bobos de respirer. L'homme se pense-t-il survivre par groupuscules à ses semblables ? L'homme bien né ou l'homme bien bâti ou l'homme génétiquement modifié, ou encore l'homme raffiné, peut-être l'homme instruit même s'il n'est pas très à la mode ? De quel survivant parle-t-on quand on parle dédaigneusement de l'avenir de la planète à épurer pour vivre entre bobos ? Et le bobo de demain est-il le bon humain à garder pour la survie de l'espèce. Un bon fils de bobo nourri au Macdo et circuité aux jeux vidéo dépendant de maman et tapis entre quatre murs protecteurs. L'humanité est mal barrée. La survie de l'espèce humaine selon les collapsollogues est réellement menacée. Ils ont prévenu et nous les avons pris pour des hurluberlus. Il y a une réalité probante de la crise climatique. Servigne est enfin pris au sérieux et la théorie de l'effondrement aussi. Mais toujours dans cette intolérance à la frustration. Sauver la planète OK ! Eradiquer la Covid OK ! Sélection naturelle OK ! Pertes humaines pour un nombre d'humains gérable pour la planète OK ! Mais dans le plaisir immédiat et sans toucher mon palier. Les fêtes cette année 2020 sont faites de terreur. La boule au ventre, dans l'attente du vaccin libérateur, on se rue sur les magasins en quête d'objets d'hier. Ces objets qui faisaient notre apparat tantôt bobo intellectuel, tantôt bobo chic. Tout dans l'apparence à exhiber sa queue de paon en disgrâce. Si nous devons vivre le nouveau monde, surtout faisons-le en planant. En s'âme-usant. L'âme s'use et sans âme l'homme devient objet. Un objet obéissant qui hoche la tête acceptant tout à la seule condition de planer. Planer par l'achat inutile d'apparats multiples. Planer par la bouffe truffée de sucre et d'OGM. Planer par ces écrans multiples qui nous aliènent à des idéaux de vies perfides. Planer par des jeux vidéos violents qui emprisonnent nos jeunes. Et bientôt planer par du cannabis à toutes les sauces. En Californie ou aux Pays-Bas, vous pouvez vous offrir des bonbons, des gâteaux, des burgers et barres de céréales au cannabis. Bien plus travaillés que notre «ghriyba» locale qui elle garde des attributions inattendues puisque chez nous chacun fait sa sauce et sa propre recette, et agrémente à sa manière de condiments de fortune qui permettront de planer toujours plus. Pour cause bien entendu l'absence de législation permettant de mesurer le taux de THC ou encore de laboratoires dédiés à une conformité d'usage. Fumer est obsolète, bon pour les Africains encore un petit moment. Mais à l'échelle planétaire manger est déjà l'addiction majeure. Couplez le sucre au cannabis et vous avez le nouveau speed-Ball de demain. Excusez-moi ! Vous avez le speed-Ball d'aujourd'hui. Nos jeunes auront encore le privilège d'une agonie à la Basquiat, mais cette fois-ci sans créativité ni génie. Pas besoin de créativité. Tout est à la carte. Même carte pour tout le monde et nuage de fumée aidant avec un concept de drogues ingérée en expansion vaudra pour petits-enfants et grands-parents. Imaginez nos pauvres petits cerveaux d'humains couplant extase et flush à une bonne bûche de noël au cannabis. La boule au ventre creuse et l'homme court à la récompense. Les distorsions cognitives touchent les penseurs à l'échelle mondiale et les solutions sont exhaustives, rapides, radicales pour ne pas souffrir. S'âme-user pour ne pas souffrir. Oublier l'obstacle, le sublimer dans le sucre ou le jeu ou encore mieux le sexe à distance ou dans la prise de décision irresponsable. Si ce n'est dans l'addiction de demain couplée au pouvoir, ce pouvoir que l'homme adule. Du gardien de voitures qui règne sur sa rue au patron tartuffe qui coupe dans les vivres de ses employés pour les faire ployer. Le pouvoir et la violence seront vite arrivés car sucre et cannabis aidant, l'intolérance à la frustration atteindra son apogée. La Covid dans l'air la souligne et l'autarcie nucléaire préhistorique s'installe. Les groupuscules de plaisir céderont place aux individualistes du plaisir. Or, l'homme solitaire en quête de survie matérialise sa discordance cognitive. Car l'homme a besoin de l'Autre. Préparons-nous à planer pour oublier et nous réveiller en plein milieu d'un beau cauchemar. Avec un peu de chance, nous nous consolerons d'être Leonardo Di Caprio dans Inception.