«Ce n'est pas par la satisfaction des désirs que s'obtient la liberté, mais par la destruction du désir.» Epictète Le plaisir comme moteur. Le plaisir comme train de vie. Le plaisir comme récompense. Le plaisir comme survie. La Covid a fait exploser le sensationnel immatériel en le matérialisant. Confinés, nous avons vite adapté nos circuits à la récompense rapide, ou plutôt nous avons accéléré les processus d'uniformité de la «conscience» cognitive et comportementale humaine en un modèle perfectionné visant l'unicité. En étant un seul être uniforme à l'échelle planétaire, l'homme se pensera rassuré ou sécurisé. Dans l'Autre c'est moi, nous avons abordé cette course à une même image avec des mêmes attributs rassurants, puis dans zoom boom, nous avons abordé cette première émission suisse à succès où un boom de chirurgie et médecine esthétique investirait le monde au vu d'un indicateur principal qui serait le télétravail et l'image à travers Zoom, cet outil digital fort utilisé en entreprise. Donc en Europe, la course à l'image et à la médecine et chirurgie esthétique serait tributaire de son image en entreprise et du souci d'être bien vu en réunion. Cette semaine, TF1 dimanche soir nous gratifie d'un 7 à 8 intitulé «Les Silhouettes casablancaises» ou «la folie du bistouri». Avec leur candeur habituelle, nos chirurgiens et leurs modèles Ferrari ou Lamborghini se sont prêtés au jeu, fiers de passer sur TF1, mais c'était sans compter sur la voix OFF. Fort drôlesse, les chiffres font peur, 60% des Marocaines sont illettrées et seulement 20% travaillent. Certaines ont 25 ans, sont refaites, n'alignent pas une phrase correcte, roulent en voiture de luxe et surtout rêvent toutes d'être Kardashian dans un pays où les relations sexuelles hors mariage sont interdites. Encore ces libertés individuelles mises sur le tapis ! Encore le droit sur son corps! Un grand débat ! A force d'appartenir à un patriarcat décadent, on étale des attributs dimensionnés en bouclier protecteur discordant devant une gent mâle abreuvée et repue mais paradoxalement toujours assoiffée. Le «je suis libre» de la femme marocaine l'aliène au mâle et Pavlov est roi. «Être, c'est être perçu.»( George Berkeley) La recherche d'une identité. Une nouvelle identité ! Les moyens sont limités pour changer d'enveloppe. Muer ! L'homme veut muer ! Les moyens ancestraux de rituels passages ou d'«élévation» de l'homme sont caducs. L'ère du tout technologique désire le plaisir dans l'uniformité. Le même objet mais toujours plus gros. Des fesses surdimensionnées ou des seins, en passant par la bouche pour se rendre plus phallique. Mais inconsciemment, la course est pavlovienne et ça salive sec ! Le tatouage pour une nouvelle peau reste peu uniforme et fort personnalisé, or l'homme veut se ressembler, fusionner en un être unique pour s'éloigner de tout effet de surprise ou d'étonnement. L'attente de la mue est longue, fastidieuse surtout si elle est accompagnée de maturité et de réflexion cognitive. Le bistouri est rapide et dénote une réelle volonté de changement à la femen, version marocaine peu probable. Le Pavlov réincarné est mondial et surtout inconscient. «L'inconscient est une méprise sur le Moi, c'est une idolâtrie du corps.» (Alain) Nous sommes tous dans la loi du tout ou rien, nous jouons les dernières prolongations et on s'y accroche par l'insufflation des derniers zests de plaisir. Exister. Se sentir exister. Avoir sa place. La démarquer. Etre. La difficulté est telle que l'attribut et sa dimension viennent combler le vide abyssal de la faille narcissique. L'addiction est le mal d'aujourd'hui. Petits rappels biologiques. Le premier stade de l'installation d'une addiction résulte de l'activation du circuit cérébral de la récompense par la substance consommée ou la pratique réalisée. Ce circuit est sous la dépendance de la dopamine. La répétition de la consommation va conditionner la personne par le mécanisme d'apprentissage pavlovien. Des décharges de dopamine vont alors progressivement être libérées par anticipation, prédisant l'arrivée de la récompense. Et on active. Et on active. Et on s'accroche. Le plaisir pousse à travers une multiplication des récepteurs. C'est la phase de recherche de plaisir. D'autres systèmes de neurotransmission sont également modifiés. La tolérance s'installe. Et le plaisir devient besoin. Et nous salivons.On s'épuise. On épuise sa sérotonine et ses endorphines. Nos récepteurs «pavloviens» deviennent avides, moins sensibles aux molécules produites par le corps habituellement impliquées dans l'antalgie et la sensation de bien-être. Par ailleurs, la production naturelle d'endorphines diminue. De sérotonine également. Le bonheur est à l'échafaud devant un plaisir roi surstimulé par le comportement ou la substance. Nous salivons toujours. Sans même savoir pourquoi. Saliver devient la sensation même de plaisir et nous restons figés dans un désir répétitif scandé au gré d'une circuiterie cérébrale qui nous échappe, mais qu'on pense en bons humains que nous sommes toujours contrôlés. «Les hommes se croient libres pour cette seule cause qu'ils sont conscients de leurs actions et ignorants des causes par où ils sont déterminés.» (Spinoza) Advient alors une nouvelle étape où le taux de dopamine libéré à chaque consommation diminue, rendant le circuit de la récompense beaucoup moins sensible à toutes les molécules qui, d'habitude le stimulent. Les décharges répétées de dopamine rendent l'individu plus stressé, avec des émotions plus négatives. Ce qui apportait du plaisir au quotidien devient moins motivant et seule une augmentation du comportement peut à la fois satisfaire le circuit de la récompense et limiter le stress et les émotions négatives. Dans cette situation, la consommation ou la pratique excessive vise à sortir d'un état émotionnel négatif, et non plus à prendre du plaisir. Le besoin devient le plaisir. Le désir s'installe dans la permanence : je désire désirer. Cette phase est associée à une perte de la capacité des neurones à se réorganiser entre eux pour intégrer de nouvelles données. La cognition est en déperdition et désir et besoin fusionnent pour devenir la seule source de plaisir. Le préfrontal à l'agonie perd son nord et les distorsions cognitives font du désir souverain le seul honneur. C'est le dernier stade. Le préfrontal est le maître régulateur. Il s'agit principalement des capacités d'autorégulation, de la prise de décision ou de la capacité à résister aux envies. La perte de contrôle. L'humain est au troisième stade. Plus de contrôle. Distorsions cognitives obligent, la Covid ayant été un élément de décompensation, nous pourrions juger les journalistes de TF1 inconscients de leur trouble. «Que les choses puissent avoir une nature en soi, indépendamment de l'interprétation et de la subjectivité, c'est une hypothèse parfaitement oiseuse.» (Friedrich Nietzsche) Donc aucune profondeur et un seul, un piètre désir d'exister par la critique d'une mutation que nous vivons de Paris à Katmandou, en passant pas le Maroc. Amen.