Un peu partout dans le monde, les répercussions de la crise liée au coronavirus sur la santé mentale commencent à se faire sentir. En effet, l'incertitude accompagnée par l'angoisse provoquée par la peur de la contamination à la Covid-19 et les mesures restrictives prises par les autorités publiques contribuent à cet état de fait. Sur le plan économique, la relance pourrait se heurter à un état d'épuisement général affectant le bien-être et par conséquent la productivité. Par ailleurs, certaines catégories de la population sont touchées beaucoup plus que d'autres par les effets néfastes de cette crise. Les personnes âgées et les femmes en font partie. C'est dans ce contexte que s'est tenue, le 22 décembre 2020, une rencontre à distance sous le thème «La santé mentale de crise» organisée par Policy Center for the New South dans le cadre de la série des conférences «The Atlantic Dialogues». Seniors en détresse : les cas d'Alzheimer se multiplient Les personnes âgées ont été malmenées durant cette crise alors que l'intention première était de les protéger. Fatima Boutbibe, docteur en neuropsychologie de l'Université Paris 5, secrétaire générale de la société marocaine de neuropsychologie et fondatrice du centre d'exploration et rééducation cognitive et fonctionnelle (CERCF) a de son côté cité les différents cas de figure dans lesquels se sont retrouvées les personnes âgées au Maroc au cours des phases du confinement et les conséquences sur leur bien-être au quotidien. La situation inédite du confinement a provoqué des états de susceptibilité, d'énervement voire de dépression chez les seniors. Après le déconfinement et avec Aïd Al-Adha, la solidarité a baissé du fait que les gens ont commencé à se concentrer sur eux-mêmes réfléchissant à la meilleure façon de s'en sortir. D'ailleurs, durant cette phase, un relâchement s'est fait sentir, notamment sur le respect des mesures barrières. La spécialiste souligne également que les cellules psychologiques ont toutes arrêté leur activité, pourtant la pandémie a flambé et les experts via les différentes conférences en ligne sur la santé mentale donnaient déjà l'alerte. «Déconfinement mais pas pour tout le monde parce que les personnes âgées, elles, continuent à être implicitement confinées», argumente Fatima Boutbibe ajoutant que c'est toujours dans l'intention de les protéger. Cela va aggraver leur état psychologique et/ou leurs antécédents médicaux : Dépression, amaigrissement, troubles du comportement ou encore déclenchement de comorbidités. «Parmi les troubles aggravés chez les personnes âgées on retrouve les troubles cognitifs. Dans nos consultations les patients viennent pour des problèmes de mémoire et nous avons remarqué que depuis le déconfinement la situation a changé», indique-t-elle précisant que les bilans d'explorations qui se faisaient en une séance d'environ une heure et demie ou deux heures avant la crise prennent deux fois plus de temps de temps avec le déconfinement parce qu'il y a beaucoup plus de troubles chez ces personnes âgées. La nécessité de réconforter ces patients s'impose pour faire les bilans nécessaires. Au niveau du CERCF l'experte a aussi fait remarquer qu'en se basant sur le nombre de patients et le type de diagnostic durant six mois (depuis le mois de juin) par rapport à la même période en 2019, le nombre de personnes atteintes d'Alzheimer s'est multiplié par deux (20% sur ladite période en 2019 contre 42% actuellement) et deux fois plus de profils qui ont des troubles cognitifs, c'est-à-dire les personnes qui ne vont pas tarder à montrer des signes d'Alzheimer par la suite (70% contre 32% à la même période de l'année dernière). Les femmes, acteur central du changement Durant cette crise les femmes sont particulièrement affectées en raison de la charge mentale qu'elles ont subie. Dans différents secteurs d'activité, notamment dans le secteur de la santé, elles ont joué un rôle fondamental prenant les devants dans la gestion de cette crise. Khouloud Wattar Kassem, fondatrice et présidente de l'ONG libanaise «Women Towards Decision Making» et représentante du Forum des femmes parlementaires dans la région MENA, «nous sommes dans une période charnière, c'est pour cela que nous devons investir dans notre richesse mentale». Dans cette optique, l'intervenant a rappelé lors de ce webinaire les différents changements que le monde a connus au cours de l'histoire et les révolutions technologiques et industrielles qui ont accompagné ces évolutions mettant l'accent sur la nécessité pour les chercheurs actuellement d'adapter leurs théories à ce contexte de Covid-19 qui est «le nouveau normal». Tout en mettant en avant le travail important des femmes durant cette période, elle explique que celles-ci doivent saisir cette opportunité pour transformer cette situation difficile en une opportunité et essayer de voir les choses d'un autre angle. «Je suis convaincu que ce n'est qu'ainsi que nous pouvons avoir un meilleur monde», relève-t-elle.