L'accueil que George W. Bush a réservé à Mahmoud Abbas Abou Mazen et les gestes du président américain témoignent de beaucoup de bonne volonté et d'un préjugé favorable à l'égard des Palestiniens. En allant à Washington, Mahmoud Abbas espérait une lettre du Président Bush précisant sa politique sur le Moyen-Orient en général et l'Etat palestinien en particulier. Il est intéressant de rappeler que la politique étrangère américaine sur le Proche-Orient, comporte trois éléments : le degré d'implication, l'aide économique et la rédaction des principes d'une solution. Jeudi dernier, le président Bush n'a donné au Président de l'Autorité palestinienne qu'un peu de chaque… Dans le domaine de l'implication, le Président américain a décidé d'envoyer Condoleezza Rice dans la région, mais aussi une mission permanente confiée au général Ward, comme le révèle, le lendemain, Mahmoud Abbas. En matière d'aide économique, au risque d'une confrontation avec le Congrès, le Président Bush a décidé un don direct de 50 millions de dollars aux Palestiniens, un geste appréciable mais négligeable au regard de l'aide américaine, par exemple à Israël, de 3 milliards de dollars par an, rappelle le journal Haaretz… Dans le troisième domaine, il a été peu donné en se contentant de renouveler l'appel au gel des colonies et en posant une exigence par le statut final de l'Etat palestinien : la continuité territoriale, la liaison de Gaza avec la Cisjordanie, mais, aussi, la déclaration que les frontières définitives de l'Etat palestinien seront fixées par un accord malgré les «blocs de colonies», c'est-à-dire des concentrations de populations de colons israéliens. Les gestes du Président Bush témoignent de beaucoup de bonne volonté et d'un préjugé favorable à l'égard de Mahmoud Abbas. Sa visite peut, sans conteste, être comparée à celle de Sharon le 14 avril 2004, qui s'est achevée avec une lettre d'engagement du président américain. Mahmoud Abbas est reparti sans lettre, mais avec beaucoup de chaleur et une déclaration de son soutien public. Mieux encore, en tête à tête, une promesse : après le désarmement des « recherchés » du Hamas et du Jihad islamique, Sharon devra démanteler les implantations illégales. D'autre part, le Président Bush a clairement fait comprendre que la création d'un Etat palestinien «démocratique» passait par l'existence d'une seule autorité et d'une seule force armée. Le Président américain a, également, cité d'autres clauses de la « feuille de route » : le retrait de l'armée israélienne aux lignes du 29 septembre 2001 (début de l'Intifada), la continuité territoriale de l'Etat palestinien et la liaison de Gaza à la Cisjordanie. Mais dans le domaine de la sécurité, George Bush a, à nouveau, exigé : «l'éradication du terrorisme qui représente, a-t-il dit, la confrontation avec le Hamas, avant l'application par Sharon, de la « feuille de route». Il a, en même temps dénommé Mahmoud Abbas «l'homme de la paix qui fait preuve de détermination, face au terrorisme»… Il a appelé, cette fois, à «vaincre le Hamas non par les armes, mais dans les urnes»… Malgré son optimisme, Mahmoud Abbas n'a cependant pas obtenu la formule magique de «l'échange de territoires», en contrepartie de la reconnaissance de blocs de colonies acceptés par George Bush. Il n'en demeure pas moins, comme l'écrit un analyste du journal populaire israélien, Nahoum Barnéa de Yediot Aharonot, « Les Palestiniens ont marqué des points contre la déclaration de Sharon qui se vante de l'engagement obtenu en faveur des blocs de colonies. Alors que Bush en a donné, jeudi dernier, une version plus équilibrée : les changements des frontières de 1949 ne se feront pas sans un accord des deux parties »… Le Président Bush fait de la démocratie une religion de Washington, signale Nahoum Barnéa, à laquelle il croit pour résoudre des conflits du Proche-Orient. Que l'on y croit ou non, nul ne peut se permettre de critiquer la démocratie, ouvertement! Les difficultés que rencontre cette idéologie dans des faits, sont, notamment, celles de Mahmoud Abbas qui préfère des arrangements avec le Hamas au lieu de confrontations dangereusement armées. Le lendemain de sa visite à la Maison-Blanche, Mahmoud Abbas a dit à des journalistes et à des spécialistes politiques sponsorisés par le Conseil américain des Affaires étrangères : «Nous sommes très heureux des clarifications que nous avons obtenues. Il est clair que l'Administration américaine est impliquée dans le processus». En effet, le Président Bush a déclaré à Mahmoud Abbas et à ses collaborateurs, qu'il était satisfait, en ajoutant « le leader palestinien est un homme de courage ». Il a affirmé, aussi, que les problèmes concernant l'Etat palestinien, y compris ses frontières, doivent être négociés et non imposés par Israël. Le quotidien «The New York Times», sous la signature de Steven Weisman, a exposé que le Présiden Bush a donné son accord pour la nomination d'un haut représentant chargé de négocier des accords de sécurité entre Israël et les Palestiniens, en particulier à Gaza. Il s'agit du Commandant général adjoint de l'Armée des Etats-Unis en Europe, qui sera chargé de la coordination de la sécurité auprès des Palestiniens, avec un mandat élargi par une médiation avec les Israéliens. Israël, rappelle «The New York Times», était opposé, jusque-là, à la nomination du général Ward en qualité d'intermédiaire pour les problèmes sécuritaires, après les efforts du passé, entre les deux parties, développés par George Tenet, Directeur de la CIA ou ceux du général Antony Zinni qui ont échoué. Cependant, dès vendredi dernier, un officiel israélien a confirmé, dans une déclaration anonyme, que le général Ward retournera, très vite, au Proche-Orient pour entamer des discussions. La même source, selon le quotidien de New York, a ajouté : «Un des sujets qui sera négocié concerne la demande d'armes et de véhicules blindés de la part des Palestiniens qui avaient, déjà, été refusée par les Israéliens». L'autre refus des Israéliens concerne la proposition des Palestiniens, appuyée par le Roi Abdallah, de redéployer une milice de 1500 hommes, campés en Jordanie, pour le contrôle des territoires palestiniens. Dans les deux cas, les Israéliens déclarent leur crainte, que les armes et les hommes soient utilisés contre eux, le cas échéant. Le sujet principal intéressant les Palestiniens reste la lettre écrite par le Président Bush à Ariel Sharon, l'année dernière, assurant le Premier ministre israélien que tout accord final sur les frontières de l'Etat palestinien devra tenir compte de certaines réalités, y compris l'existence d'implantations juives dans les territoires occupés. Les Israéliens font de cette lettre un accord de l'Administration américaine orientant des implantations de Cisjordanie vers la frontière israélienne dans une transaction finale. Mais les collaborateurs officiels du Président Bush ont déclaré clairement, affirme le quotidien, que le contenu de la lettre présidentielle a été revu lors de la réunion avec Ariel Sharon, le mois dernier, au Texas. Cependant, selon Mahmoud Abbas, la lettre a été « mal-comprise », malgré la reconnaissance des réalités à Washington : les frontières de l'Etat palestinien doivent être négociées par les deux parties… Bien que l'ambiance des réunions avec le leader palestinien ait été harmonieuse, le Président Bush continuait à penser que les officiels palestiniens devaient faire plus pour expliquer les attaques des militants du Hamas. En particulier, les fonctionnaires officiels américains ont dit leur mécontentement et les Israéliens leur crainte, des efforts de Mahmoud Abbas de négocier avec le Hamas pour l'engager dans le processus politique, «plutôt que de le désarmer par la force». D'autant que les Israéliens ont peur que le Hamas n'organise un support politique avec ses forces armées, dans le seul but de prendre le pouvoir suprême parmi les Palestiniens. Mahmoud Abbas a indiqué que sa propre approche de la cooptation du Hamas a réussi à réduire la violence contre les Israéliens, rendant possibles, des discussions sur la paix. Il a dit que les négociations seront aidées si elles ont un «chemin de retour» avec Israël, dès le départ, pour envisager la solution des problèmes à long terme : dont le statut final de Jérusalem, les frontières finales de l'Etat palestinien et le droit de retour, en Israël, des réfugiés palestiniens… Le Président de l'Autorité palestinienne a dit qu'il n'avait pas reçu du Président Bush l'indication sur son désir de pousser, sans attendre, les négociations concernant ces problèmes à long terme. D'autant que Sharon est contre cela. Mahmoud Abbas a également regretté que les Palestiniens n'aient pas pu apprendre plus de la part du Gouvernement Sharon sur les décisions, l'emploi du temps et les plans de sécurité relatifs au désengagement des colons et des forces israéliennes de Gaza, cet été. Abou Mazen et la direction palestinienne sont très satisfaits du résultat de la première rencontre avec le Président Bush, depuis l'élection de chacun. En particulier, l'avertissement américain aux Israéliens de «ne faire aucune action contraire aux engagements dans la feuille de route», ni susceptible d'entraver la négociation finale sur Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem. Dans les milieux palestiniens, on estime qu'Israël ne cesse sa politique de faits accomplis, qui semblent reconnus, en partie, par les Américains, concernant, par exemple, les « blocs de colonies ». Après le retrait unilatéral de Gaza, il restera Jérusalem, par un essai israélien de fermer les portes, en construisant de nouveaux quartiers comprenant 250 000 habitants. Sans compter l'achèvement de la barrière « de sécurité » qui pour le Président Bush doit avoir un simple but sécuritaire et, en aucun cas, un caractère « politique », au profit des colonies.