Les attentats avaient provoqué un choc émotionnel inédit au sein de la société marocaine. Il y a deux ans, jour pour jour, Casablanca était secouée par cinq attentats terroristes perpétrés, le même jour, à la même heure, par une quinzaine de terroristes islamistes. Ces terroristes étaient membres de la Salafiya Jihadia, une mouvance intégriste dont les services de sécurité avaient découvert l'existence une année auparavant et contre laquelle ils menaient une guerre sans relâche. Les attentats avaient provoqué un choc émotionnel inédit au sein de la société marocaine. Les Marocains qui, tout au long de leur Histoire, ont vécu leur religion dans la modération et la tolérance, ont été choqués par l'existence au sein de leur société d'un discours capable de véhiculer tant de haine et de violence. Certes, tout le monde était conscient de la dimension de plus en plus étendue que prenaient les intégristes, mais il faut avouer que personne ne s'imaginait que le mal s'était tellement enraciné et qu'il n'allait pas tarder à se transformer en une machine à tuer des innocents. Mais, malgré le choc, la réaction de la société marocaine a été à la fois forte et sage. Forte, car la manifestation qui a été organisée au lendemain des attentats où le peuple marocain a massivement marché contre l'obscurantisme et le terrorisme a montré au monde entier que le Maroc est le pays de la tolérance, de l'ouverture et de la modernité et que les attentats qui ont frappé la capitale économique étaient des actes isolés que la société rejette fortement. Sage, car, suite aux attentats, aucun des acquis en matière de l'Etat de droit, ni des principes des droits de l'Homme n'a été remis en question. Ainsi, sauf quelques dérapages minimes, la lutte antiterroriste s'est déroulée dans le cadre de la loi et du respect des procédures. D'ailleurs, pour la première fois dans l'Histoire du Royaume, l'enquête sur une affaire relevant de la sécurité de l'Etat était menée sous le contrôle effectif des autorités judiciaires. Ainsi, il y avait, d'un côté, les services de sécurité qui luttaient, conformément à la loi, contre la nébuleuse de la Salafiya Jihadia, et de l'autre, la société civile qui s'était mobilisée pour défendre les choix démocratiques et modernistes du peuple marocain. Une réaction dont on ne peut qu'être fiers. Toutefois, si le travail des services de sécurité s'est inscrit dans une logique de continuité et de constance, la mobilisation des sociétés civile et politique s'est nettement relâchée quelques mois après les attentats. Ce relâchement a permis aux obscurantistes de refaire surface et de reconquérir la place publique. Et il est lamentable de voir, aujourd'hui, comment les bourreaux ont réussi à s'ériger en victimes. Observant une grève de la faim, ils clament leur innocence et réussissent à obtenir le soutien de certaines composantes de la société civile. Lutter contre l'intégrisme nécessite une mobilisation permanente et, dire que ce qui s'est passé, le 16 mai 2003, relève désormais de l'Histoire, et que la page est tournée, est une grave erreur.