Les circonstances et les causes de la mort de Khalid Boukri divisent le ministère de la Justice et les associations de défense des droits de l'Homme. Le transfert d'Abou Hafs et de Hassan El Kettani complique la situation. Khalid Boukri est décédé mardi dernier au sein de la prison Outita 2. Né en 1977, cet originaire de la ville d'Ouazzane, plus exactement de la tribu des Masmouda, était à en croire sa sœur, "un garçon normal, il n'a jamais usé de la violence et n'a jamais trempé dans des affaires douteuses". Au cours de l'été 2003, Khalid a effectué une déclaration de perte de sa carte nationale. Par la suite, il a déposé un dossier de renouvellement de la carte nationale auprès des services compétents. Le 30 septembre de la même année, "la police est venu arrêter Khalid devant la porte de la maison", raconte sa sœur. Quelques semaines plus tard, il fut condamné pour fausse déclaration à une peine de 5 ans, qui fut réduite en appel à 2 ans de détention ferme. Khalid Boukri devait recouvrer sa liberté dans quatre mois seulement. Dans un entretien accordé à ALM, la sœur du défunt explique que ce dernier était chômeur au moment de son arrestation. "Il travaillait de temps en temps dans des chantiers, mais dans un milieu rural les postes d'emploi sont, comme vous le savez, une denrée rare". Khalid Boukri avait également trois frères et deux sœurs. Après la mort de son père, c'est la mère qui a pris en charge l'ensemble de la famille. Incarcéré à Outita 2, près de Sidi Slimane, Khalid Boukri faisait partie des détenus islamistes ayant observé la grève de la faim depuis le 2 mai. C'est ce qu'affirment ses co-détenus, sa famille et l'association de défense des détenus islamistes, "Annassir". Toutefois, le ministère de la Justice nie catégoriquement la participation de Khalid Boukri à cette grève de la faim. Et pour cause, selon le ministère, il souffrait d'une maladie de l'appareil digestif ce qui l'empêchait d'observer le mot d'ordre lancé par les Chouyoukh de la Salafiya. En tout cas, les résultats de l'autopsie révèleront les raisons de ce décès. C'est le professeur Saïd El Ouahlia, le parrain de la médecine légale au Maroc, qui s'en est chargé hier mercredi. Le ministre de la Justice, Mohamed Bouzoubaâ, a déclaré dans un entretien accordé à ALM http://aujourdhui.ma/couverture-details35624.html que le rapport du professeur El Ouahlia serait entièrement rendu public. C'est un signal que le ministère compte lancer à l'ensemble des observateurs. Le département de Mohamed Bouzoubaâ, qui regrette évidemment le décès de Khalid Boukri, souhaite instaurer une transparence totale sur cette affaire. M. Bouzoubaâ souhaite même en finir une fois pour toutes avec cette affaire. Pour cela, il a décidé d'ouvrir un dialogue sincère avec les islamistes détenus dans les prisons marocaines dans le cadre de la loi antiterroriste. Si la revendication de ces derniers est claire: la libération, la réponse du ministre est également on ne peut plus directe: épuiser les voies de recours. Le ministère de la Justice, et à travers lui l'ensemble du gouvernement et l'Etat de manière générale, ne peuvent ouvrir purement et simplement les portes des prisons devant les détenus islamistes. C'est une question d'honneur et de principe.Pour leur part, les détenus citent les rapports des associations des droits de l'Homme. Ils crient haut et fort leur innocence. En d'autres termes, ils estiment que s'ils ont été incarcérés dans un contexte politique déterminé, ils doivent être libéré par une décision politique. C'est la revendication que le ministère de la Justice ne veut absolument pas entendre. Mais une brèche reste ouverte. Ce sera probablement une issue. Une solution gagnant-gagnant. Le ministre de la Justice a appelé tous les détenus à épuiser toutes les dispositions légales et judiciaires prévues par l'arsenal juridique marocain. C'est le cas de la grâce royale, de la libération conditionnelle ou même la révision des procès conformément à la loi. C'est un message officiel adressé à tous les détenus. Mais au même moment, le ministère de la Justice, plus précisément la direction des prisons, a décidé mardi dernier de transférer de la prison centrale de Kénitra Abdelouahab Rafiki, alias Abou Hafs et son co-détenu Hassan El Kettani. Ils séjournent désormais dans des cellules individuelles. Le premier à Fès et le deuxième à Salé. Ils sont complètement isolés du reste des détenus islamistes. Ces deux personnes sont considérés comme les "meneurs" de la grève de la faim. A noter que ce transfert a eu lieu après une tentative le week-end dernier de confisquer un téléphone portable qu'utilisait Abou Hafs. Grâce à cet appareil téléphonique, il coordonnait l'action des grévistes depuis sa cellule, à l'intérieur même de la prison centrale de Kénitra. Devant l'incapacité de lui confisquer ce téléphone portable, les autorités pénitentiaires ont donc décidé de le transférer vers Fès. En tout cas cette mesure est restée vaine. Le président de l'association Annassir souligne que "les détenus refusent d'entamer un dialogue avec le ministère de la Justice si les deux Chouyoukh, en l'occurrence Abou Hafs et Hassan El Kettani, ne sont pas reconduits vers la prison centrale de kénitra".