Quatre mois d'angoisse, quatre mois aussi d'espoir et de mobilisation: ce jeudi était le 120e jour de détention de la journaliste de "Libération" Florence Aubenas et de son guide Hussein Hanoun, enlevés le 5 janvier en Irak. Les contacts en vue de leurs libération sont "stabilisés", a expliqué mardi à l'Assemblée nationale le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin. "Je veux croire que tant que ce dialogue est établi, il y a de l'espoir", a-t-il souligné en faisant état de "contacts stabilisés mais alternatifs, longs, interrompus par de longues périodes de silence, mais à chaque fois rétablis", d'un "dialogue difficile dans une situation particulièrement dangereuse". Une première vidéo avait été remise le 22 février aux services français, dans laquelle Florence Aubenas ne transmettait aucune revendication. Une autre vidéo, le 1er mars, montrait la journaliste française très éprouvée physiquement et moralement. Elle faisait appel au député UMP Didier Julia, dont la tentative avortée de libération des deux anciens otages français Christian Chesnot et Georges Malbrunot, en septembre dernier, a suscité la polémique. M. Raffarin a appelé le 3 mars dernier les ravisseurs de Florence Aubenas à ne négocier qu'avec les seuls services officiels. Quant à Didier Julia, il a décidé de se mettre de lui-même "en congé" du groupe UMP de l'Assemblée nationale. A ce jour, on ne dispose d'aucune autre preuve de vie de Florence Aubenas. Quant à Hussein Hanoun, qui n'apparaissait pas sur les vidéos, "nous n'avons aucun élément, il n'y a pas de preuve de vie", a expliqué le PDG de "Libération" Serge July jeudi matin sur RTL. "Dans l'histoire de Florence et Hussein, on est face à quelque chose de bizarre: il n'y a aucune médiatisation de la part des ravisseurs", a-t-il observé. Ils "agissent comme s'ils avaient le temps pour eux, ils ne sont pas pressés", a-t-il poursuivi en relevant cette "attitude assez étonnante et atypique par rapport à d'autres prises d'otages". Qui sont les ravisseurs? "Un groupe criminel, c'est vraisemblable mais ce n'est pas l'hypothèse la plus certaine", note Serge July. Il s'agit peut-être d'un "groupe issu de la résistance irakienne qui veut cacher son identité et qui a d'énormes problèmes de financement". On ne "peut pas exclure" non plus "qu'il y ait une main étrangère d'un Etat voisin qui veut agir, peut-être, en s'adressant à la France d'une manière particulière", ajoute le PDG de "Libération". La France, remarque-t-il, a le triste "privilège de détenir le record de la prise d'otages de journalistes, il y a des raisons peut-être". La France "n'a pas d'amis en Irak". Et de souligner: quatre mois de captivité, "c'est immensément long", "c'est terrible pour elle et lui, c'est usant". Mais "il n'y a pas de cas dans l'histoire du journalisme français où les autorités françaises n'aient pas ramené les journalistes". En attendant, la mobilisation se poursuit. Plusieurs dizaines de journaux européens, dont The Times, Die Welt ou El Pais devaient publier jeudi le texte de la Déclaration de Bruxelles, un appel lancé aux institutions européennes le 22 mars dernier par les directeurs de rédaction d'organes de presse européens. Les directeurs de rédactions rappellent dans ce texte "qu'il n'y a pas de liberté sans liberté d'informer, partout et en tous lieux". Depuis le 28 mars, cet appel fait également référence à la prise en otages en Irak des trois journalistes roumains Marie-Jeanne Ion, Sori Dumitru Miscosi et Eduard Ovidiu Ohanesian. Le 15 mai, par ailleurs, Serge July et le secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF), Robert Ménard, se rendront à Amman en Jordanie. Leur objectif est de rencontrer le plus grand nombre possible de représentants des médias arabes, pour relayer l'information sur les otages.