Organisées par l'Instance Equité et Réconciliation, les prochaines auditions publiques à Al Hoceïma sont prévues la semaine prochaine. En attendant, plusieurs problèmes restent en suspens, au risque de nuire au bon déroulement d'une séance particulière. Les différends opposant l'Instance Equité et Réconciliation (IER) et la société civile de la région du Rif auront-ils raison du bon déroulement des prochaines auditions publiques, prévues dans la ville d'Al Hoceïma ? Si des sources concordantes parlent d'ores et déjà du mardi 3 mai prochain comme date de la tenue des auditions publiques prévues dans la ville, côté IER, on se limite à évoquer leur déroulement au cours de la semaine prochaine. En attendant, plusieurs entraves restent posées. A commencer par la vague de critiques dont l'Instance fait l'objet de la part des représentants de la société civile locale. Celle-ci reproche à l'IER d'agir de manière unilatérale dans la préparation des auditions. « Nous aurions souhaité que l'IER participe à l'installation d'un véritable dialogue avec les parties concernées. Ce qui n'a pas été le cas. L'IER a fixé de manière unilatérale la date de tenue des auditions. L'élaboration de la manière dont ces dernières devraient se dérouler, comme les délais fixés pour le dépôt des dossiers n'ont pas tenu compte des éléments spécifiques à la région », déclare à ALM Ali Belmeziane, coordonnateur du Comité de la déclaration du Rif, issu du Colloque national sur les atteintes aux droits de l'Homme au Maroc, organisé au mois de juillet dernier à Al Hoceïma. Une affirmation que rejette Salah El Ouadie, membre de l'IER : «Nous n'avons à aucun moment reçu de plaintes dans ce sens. Et le travail de l'IER dans la région se fait en concertation avec les associations avec lesquelles nous sommes en contact permanent». Pour le responsable associatif, également président de la section d'Al Hoceïma du Forum Vérité et Justice, « les formes d'exactions qui ont été commises dans la région dépassent tout entendement. Des viols collectifs, des atteintes de tout genre à l'honneur et des dilapidations de deniers publics ont été perpétrés dans le Rif. En parler est difficile, voire impossible. Il ne faut pas oublier que nous sommes dans une région très conservatrice où les gens ont honte de revenir sur des pratiques qui les touchent dans ce qu'ils ont de plus sacré. Il aurait donc fallu que des spécialistes en sociologie et psychologie soient impliqués pour encourager les témoins à dire la vérité, toute la vérité, sur ce qui s'est réellement passé». En faisant l'impasse sur une telle démarche, l'IER aurait brûlé plusieurs étapes importantes, au risque d'être accusée de vouloir organiser les auditions pour les auditions et « en finir le plus tôt possible et à n'importe quel prix». Ce qui n'est pas l'objectif recherché. Egalement mise en index, l'opération entamée par l'IER depuis mardi pour compléter les dossiers émanant des provinces d'Al-Hoceima et de Nador en informations, données et documents relatifs aux violations passées des droits de l'Homme durant la période 1956-1999. Une opération qui se poursuivra jusqu'au 30 avril courant. Mais, « au lieu de réinterroger les victimes, l'IER aurait mieux fait de recouper les informations recueillis auparavant avec les archives officielles et auprès des autorités compétentes », conteste M. Belmeziane. Pour l'acteur associatif, les demandes de la société civile de la région se résument en quatre points. Il y a d'abord la nécessité d'impliquer des spécialistes, et des cadres locaux, pour aider les témoins à lever le voile sur la vérité des horreurs qui ont été commises dans la région. « Les ONG locales demandent également à ce que le dépôts des dossiers soit ouvert et ne soit pas limité par les délais fixés». Les auditions publiques prévues dans la ville ne doivent pas être comme les autres, « dans la mesure où l'ampleur des infractions commises dans la région ne ressemble à aucune autre dans le pays ». Le rôle qu'aurait joué le parti de l'Istiqlal dans les atteintes passées aux droits de l'Homme « ne doit en aucun cas être écarté». Questionné par ALM sur les réponses que compte apporter l'IER à ces demandes, Salah El Ouadie, membre de l'Instance, déclare «que tous les dossiers déposés après que le délai fixé ait expiré seront traités au cas par cas par l'IER qui statuera de leur validité ou non ». Quant aux aspects liés à l'évocation de la responsabilité de telle ou telle partie dans les événements tragiques qu'a connus la région du Rif, M. El Ouadie est catégorique : « Nous ne pouvons en aucun cas imposer aux victimes de taire les considérations historiques qui ont participé dans ces exactions. Par contre, les noms des personnes ne doivent pas être cités. Encore une fois, l'IER ne peut pas se substituer à la Justice », conclut-il. De ce qui a l'air d'un véritable bras de fer entre l'IER et la société civile locale, l'épreuve finale devrait avoir lieu ce jeudi. Au programme de cette journée, une rencontre prévue entre les membres de l'Instance présents à El Hoceima et les représentants de la société civile.