Insatisfaite par rapport aux auditions publiques de l'Instance Equité et Réconciliation (IER), l'Association marocaine des droits de l'Homme (AMDH) a décidé d'organiser, dès fin janvier, ses propres auditions «parallèles». Explications de son président, Abdelhamid Amine. ALM : Sachant que l'Instance Equité et Réconciliation a déjà enclenché ses désormais célèbres auditions publiques, quelles seraient l'utilité et la particularité des «séances parallèles» que vous avez prévues d'organiser ? Abdelhamid Amine : D'abord, il ne s'agit pas seulement d'auditions publiques qui vont être organisées dès la fin de ce mois de janvier, mais de tout un programme d'actions à caractère public. En plus des auditions, qui se démarquent des autres par la possibilité qu'auront les témoins à citer les noms des responsables, nous avons également prévu des procès symboliques où d'anciens responsables de violations des droits de l'Homme seront amenés à «comparaître». Des meetings publics seront également au programme. Aussi, la période que les séances parallèles couvriront va au-delà de 1999 et sera l'occasion d'évoquer les atteintes aux droits de l'Homme qu'a connues notre pays, peut-être pas avec la même acuité qu'auparavant, notamment après les événements du 16 mai. Non seulement les noms des responsables de ces atteintes pourront être cités, mais nous allons également invité certains parmi eux à venir témoigner, à visage découvert, de ce qui s'est réellement passé dans les différents bagnes et centres de détention et de torture. L'objectif recherché n'est autre que de dévoiler la vérité, toute la vérité et sans aucune espèce de censure sur les violations aux droits de l'Homme qu'a connu le Maroc. Invités à prendre plus de liberté de parole, les témoins auront également tout le temps dont ils auront besoin pour s'exprimer. Mais cela suppose que plusieurs moyens, aussi humains que matériels, soient disponibles. Comment pensez-vous mener ce projet ? Nous sommes conscients que la tâche ne sera pas facile. Mais l'AMDH dispose de suffisamment de ressources humaines pour mener à bien cette mission. D'autant que nous nous sommes déjà adressés à des partenaires avec lesquels nous espérons pouvoir travailler. Dans ce sens, nous nous sommes mis en contact avec des associations telles que le Forum Vérité et Justice et l'Organisation marocaine des droits de l'Homme. Reste à savoir si ces partenaires voudront joindre leurs efforts aux nôtres. Si tel est le cas, nous serons ravis d'organiser ces manifestations ensemble. Sinon, nous sommes déterminés à mener notre programme, quitte à le faire seuls et avec les moyens dont nous disposons. Qu'en est-il de la couverture médiatique de vos séances parallèles». Ne pensez-vous pas que, facteur temps et réserves quant aux noms qui seront cités obligent, les médias seraient quelque peu réticents ? L'AMDH a déjà adressé des courriers et demandes de couverture médiatiques à plusieurs organes de presse. Nous avons également contacté aussi bien la première chaîne (TVM) que 2M. Une réunion avec cette dernière est prévue mercredi prochain pour discuter des détails de cette couverture. Aussi, et afin de garantir une large médiatisation de ces activités, nous nous sommes également adressés à des télévisions étrangères, notamment arabes comme Al Jezeera et Al Arabiya. Tout ce que nous demandons à ces chaînes, c'est de couvrir ces auditions. Pour le reste, ce sera à chaque chaîne de disposer quant à la manière dont elle va diffuser. Mais le principe même de tenir de telles auditions, au risque de faire double travail avec l'IER, ne pose-t-il pas problème ? Nous nous inscrivons dans une logique de complémentarité par rapport au travail de l'IER. Une logique qui s'explique par un certain nombre de manquements que nous avons constatés au niveau des précédentes auditions. Certains parlent d'une recherche de l'AMDH de prendre sa revanche sur l'IER, après les critiques formulées par le président de l'Instance à l'égard de certaines associations des droits de l'Homme. Que répondez-vous à cela ? La démarche de l'AMDH ne se justifie nullement par des calculs aussi limités que la recherche de prendre une quelconque revanche. Tout ce que j'ai à vous dire concernant ce volet, c'est que nous n'agissons jamais par vengeance, mais toujours par conviction.