Le double jeu de José Maria Aznar, président du gouvernement espagnol, et du président Algérien Abdelaziz Bouteflika ne trompe plus personne. Le premier veut le poisson du Maroc et le second lorgne ses provinces du Sud. En matière de relations hispide-maghrébines, quel héritage Aznar laissera-t-il, à son successeur, une fois qu'il quittera les rênes du pouvoir? C'est ce que se demandent bon nombre d'observateurs. La conclusion, en août 2002, de l'accord d'amitié et de coopération avec l'Algérie, et la tenue cette semaine (26-27 novembre) à Alger de la première Réunion de Haut Niveau algéro-espagnol, à dix jours seulement de la Réunion de Haut Niveau maroco-espagnole soulèvent d'énormes interrogations. L'axe Madrid-Alger s'est construit. Mais aux dépens de qui? Sans faire preuve de paranoïa, force est de constater que le Maroc est au cœur du rapprochement entre l'Espagne et l'Algérie. Vraisemblablement, les deux hommes-clés de cet amour qui empeste le pétrole et le poisson, sont José Maria Aznar, président du gouvernement espagnol, et Abdelaziz Bouteflika, président algérien. La visite d'Aznar à la capitale algérienne n'est, en soi, guère critiquable. Ce qui a l'apparence d'un complot anti-marocain c'est la portée symbolique de ce déplacement. Tout le monde sait que la visite d'Aznar à Alger s'articule essentiellement autour de l'affaire du Sahara et de l'immigration clandestine (dont une bonne partie pénètre au Maroc via l'Algérie). Le premier dossier (le Sahara) est vital et stratégique pour Madrid, dans la mesure où il pourrait assurer la présence de son immense flotte de pêche, dans les eaux des côtes des provinces du Sud marocain, tenue de rester clouée dans les ports espagnols et de se reconvertir, à la suite de la décision marocaine de ne pas reconduire l'accord de pêche avec l'Union européenne. En somme, en se rapprochant de l'Algérie, l'Espagne est en train de défendre le polisario, d'insulter l'avenir, de poignarder le Maroc dans le dos et de parier sur une victoire des thèses séparatistes. Le double langage officiel du Parti Populaire ne fait que renforcer le scepticisme marocain. En fait, le président Bouteflika a su toucher des cordes sensibles chez Aznar. Il a promis, une fois que le Maroc sera spolié de ses terres, de laisser les pêcheurs espagnols disposer librement et sans aucune entrave juridique ni même scientifique, les ressources halieutiques du Sud. Autre cadeau de Bouteflika: le pétrole. Jamais la compagnie espagnole Repsol n'a été autant présente en Algérie que depuis l'investiture d'Aznar. Cette compagnie est d'ailleurs considérée comme le fer de lance de la politique étrangère espagnole. Les échanges entre les deux pays ont atteint 3 milliards de dollars et l'Algérie fournit plus de 60% de la consommation énergétique de l'Espagne. Cet indice est très révélateur car il signifie que le piège algérien a fini par se refermer sur l'Espagne. Lors de sa visite algéroise, le chef de l'exécutif espagnol a rendu hommage au président Bouteflika, le qualifiant d"'interlocuteur engagé en faveur de la stabilité de la Méditerranée et un ferme partisan de la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, un grand ami personnel mais aussi un grand ami de l'Espagne". Aznar a-t-il oublié, en parlant de Bouteflika, que cet homme est à l'origine de la création de toutes pièces du polisario et que ce dernier n'est autre qu'une bande de mercenaires responsables de massacres? Certes, Aznar a souligné quant à l'affaire du Sahara, que l'Espagne "continuera à travailler inlassablement à la recherche d'une solution acceptable par toutes les parties et qui soit respectueuse de la légalité internationale". Mais Abdelaziz Bouteflika, a affirmé que le règlement de ce conflit est une question de "décolonisation à parachever". Qu'il vienne ou pas au Maroc, dans une visite prévue début décembre, José Maria Aznar n'a en fait plus rien à proposer à ses interlocuteurs. Les jeux sont faits.