Pour le secrétaire général par intérim de l'Union Constitutionnelle, Mohamed Abied, le manque d'homogénéité de l'actuel gouvernement explique en grande partie son manque d'efficacité. Ce qu'il nous faut, c'est de bons ministères, avec de bons budgets et, surtout, de bons ministres. ALM : En tant que secrétaire général d'un parti de l'opposition, quelle évaluation faites-vous de l'action du gouvernement, qui en est à un an d'exercice ? Mohamed Abied : Je répéterais ce qu'on a toujours dit au sein de l'U.C à l'égard de l'actuel gouvernement : on ne peut pas aboutir à des actions concrètes, encore moins à de grandes réalisations avec un gouvernement décousu et dont la nature même ne répond pas au critère de bonne gestion qu'est l'homogénéité. Nous ne disposons ni d'une majorité homogène, ni d'une opposition qui remplit cette condition. Quand on constitue une opposition, c'est logiquement, vis-à-vis de quelque chose d'uniforme, de solide. Or, le gouvernement est fragilisé par ses propres fondements. Le choix de la facilité a prédominé et il a enfanté une majorité arithmétique, sur mesure. Le résultat en est le retard pris dans tous les niveaux. D'autant plus que le programme gouvernemental a été approuvé par tous les partis, y compris ceux de l'opposition dont nous faisons partie. Le problème se situe donc moins au niveau des objectifs et mesures tracés qu'au niveau de leur application. Plusieurs chantiers sont lancés, mais on ne sait pas s'ils vont effectivement être réalisés. Les faits parlent d'eux-mêmes. Au jour d'aujourd'hui, et en dehors de l'action de S.M le Roi, on ne voit rien venir. Le gouvernement, lui, en est toujours au stade du constat. Qu'en est-il de l'action économique qui fait l'objet de véritables campagnes publicitaires ? L'action économique d'un gouvernement est jugée sur la base de paramètres objectifs et clairs. Il s'agit notamment du taux de chômage, de l'investissement, des réalisations en matière de logement…Quand on prend ces paramètres en considération, on se rend compte que tout reste à faire. Les investissements publics ont baissé, et c'est le gouvernement lui-même qui en fait état. Le privé, censé suppléer l'action publique, en est toujours à sa phase de mise à niveau qui n'aboutit à rien. Ceci, sachant qu'il s'agit d'une priorité gouvernementale et autour de laquelle il existait des prémices favorables. Il n'y a aucune différence entre l'avant et l'après élections législatives. C'est le point mort. L'habitat ne progresse que sur le papier. Le déficit est toujours aussi prononcé qu'avant. Le gouvernement, lui, ne s'occupe que de la gestion des affaires courantes et du budget que lui procurent les citoyens par leurs impôts. Le projet de Loi de finances a suscité une large polémique. Quelle lecture faites-vous de ce projet ? Nous avons voté contre le projet de loi de finances pour la simple raison que les amendements que nous avons présentés et défendus n'ont pas été pris en compte par le ministre des Finances et de la Privatisation. Sous couvert de l'article 51, il les a refusés en bloc. Pour nous, ce n'était même pas la peine de discuter. Le gouvernement se veut libéral, mais l'est-il vraiment, dans les faits ? Pour moi, ce n'est qu'un slogan de plus. Le libéralisme est un concept qu'il faut non seulement maîtriser, auquel il faut croire, mais qu'il faut appliquer. Cette année d'exercice gouvernemental a également été marquée par les attentats du 16 mai et la mobilisation qui s'en est suivie. Comment jugez-vous l'action du gouvernement dans la gestion de ce dossier ? La gestion du dossier n'a pas été du seul ressort du gouvernement. C'est le peuple marocain qui s'est soulevé contre l'horreur extrémiste, au même titre que pour la question du Sahara, dont la marocanité suscite l'unanimité. Toutes les composantes de la société ont pris en charge ce dossier et ont participé, par le vote des lois et l'action sur le terrain, à contrer ce mal. Les décisions, elles, ont été prises au plus haut niveau de l'Etat. Tout le pays y a adhéré. Après les législatives, il y a eu les communales. Quel enseignement devrait-on tirer de leur déroulement ? Les résultats de ces élections en disent long sur le degré de ras-le-bol des Marocains à l'égard de ce gouvernement. En votant pour des formations, autres que celles représentées dans le gouvernement à la tête des conseils municipaux, notamment dans les grandes villes, c'est ce même gouvernement qu'ils ont contesté et sanctionné. Le gouvernement brille également par le nombre de ministres qui en font partie et dont la principale caractéristique reste l'inégalité en terme de compétence. Qu'en pensez-vous ? Je réponds en posant la question suivante. Comment peut-on satisfaire tous les partis politiques dans un même gouvernement ? Je le répète. La majorité gouvernementale est trop arithmétique pour être efficace. L'action de ses ministres ne peut que s'en ressentir. D'autant qu'une pléthore de ministres ne veut pas dire rendement. Leur nombre ne doit pas dépasser 25 à 30 ministres. Il faut donc réduire d'un quart cet « effectif ». Ce qu'il nous faut, c'est de bons ministères, avec de bons budgets et, surtout, de bons ministres.