En parallèle à la traque des adeptes de la Salafia Jihadia, les autorités marocaines s'intéressent de près aux transferts d'argent en provenance de l'étranger pour traquer les comptes qui dégagent un parfum islamiste. Les attentats-suicide de Casablanca posent de nouveau le problème du financement des mouvements islamistes en général. D'où vient l'argent et qui en bénéficie ? Le député USFP Abdelkader El Benna a soulevé un aspect du problème en adressant, mercredi 11 juin, à l'argentier du Royaume Fatahallah Oulalaou une question sur les fonds collectés par les islamistes du PJD au profit du peuple palestinien. Des fonds considérables dont l'association marocaine de soutien au peuple palestinien ni l'ambassade de Palestine à Rabat ne connaissent le sort. Où est passé l'argent ? Personne ne sait, y compris, semble-t-il, M. Oualalou puisque celui-ci n'a pas répondu à l'interrogation de l'élu. Et pourtant, l'affaire est d'une extrême gravité. Une chose est sûre : les organisations islamistes se sont constituées un véritable trésor de guerre grâce aux campagnes de solidarité organisées au profit des Palestiniens, des Bosniaques, des Tchétchènes, des enfants irakiens et des Afghans. Un appel à la générosité des Marocains riches ou moins riches, sensibles au sort injuste fait à ces populations musulmanes et arabes par les “ennemis de l'islam”. Exemple parmi tant d'autres : une association infeodée au PJD du nom de “ Ietilaf Al Kheir“ basée à Sebta a fait une quête auprès des Marocains du nord pour aider officiellement les Palestiniens. Quelque 2 millions de Dhs en nature furent réunis. Or, ces derniers ne toucheront pas un centime. Les fonds seront transférés sur le compte de l'association en question. Les mouvements islamistes au Maroc, le PJD et Al Adl Wal Ihssane, disposent chacun d'une multitude d'associations de ce type qui ont toutes des objectifs déclarés d'animation sociale, d'ordre culturel et artistique… Mais derrière ces préoccupations plutôt floues, se cache en fait une véritable action multiforme sur le terrain visant à travailler la société de l'intérieur. Toutes les occasions sont bonnes pour se porter au secours des plus démunis: achat des fournitures scolaires à l'orphelin, prise en charge de la circoncision d'un enfant abandonné, achat du mouton d'Al Aïd Al Adha à la veuve, paiement des frais d'un enterrement… Un travail de proximité, quotidien et permanent. Bien entendu, ces gestes, aussi louables soient-ils, sont loin d'être gratuits. Non dénuée d'arrières-pensées, l'action caritative à la sauce islamiste vise d'abord à faire des obligés parmi les laissés pour compte qui, tôt ou tard, rejoindront la citadelle islamiste, leur bienfaitrice. Aujourd'hui, les autorités s'intéressent particulièrement aux sources de financement du PJD. Certaines figures du parti pourraient avoir maille à partir avec la justice. Parallèlement à la traque des adeptes de la Salafia Jihadia, les experts marocains s'intéressent désormais aux transferts d'argent en provenance de l'étranger. La loi anti-terroriste, votée récemment au Parlement, autorise désormais Bank Al Maghrib à obliger les banques commerciales à lever le secret bancaire sur les grosses sommes d'argent d'origine extérieure. D'ores et déjà, on passe au peigne fin tous les fonds qui ont transité par les institutions financières marocaines depuis le début des années 90. La chasse aux comptes suspects a commencé. Les investigations sont orientées vers la filière de certains investisseurs arabes proches de Oussama Ben laden qui avaient par le passé monté des projets au Maroc notamment dans le secteur touristique. Ces bailleurs de fonds sont soupçonnés d'avoir soutenu financièrement l'islamisme marocain sous couvert d'opérations économiques. Distinguer le financement qui dégage un parfum islamiste de l'argent propre destiné à des investissements transparents ressemble à une gageure. Car les mécènes de l'islamisme, se cachant derrière l'habit d'hommes d'affaires, recourent à des techniques complexes et à des circuits détournés empruntés aux barons du crime organisé de telle sorte que l'argent soit blanchi dans l'économie formelle du pays visé. Les groupuscules de la salafia Jihadia ont-ils profité des largesses meurtrières des financiers du terrorisme international ? Une chose est sûre : L'islamisme marocain représente une seule nébuleuse poursuivant les mêmes objectifs même si le discours et les moyens utilisés par les uns et les autres peuvent être différents. Pour le moment, les moyens financiers de la Salfia Jihadia proviennent essentiellement des vols qu'ils opéraient à l'occasion de leurs équipées meurtrières et des collectes d'argent auprès des militants. Lors de son interrogatoire, le leader de Assirat Al Moustakim (Voie juste), Zakaria Miloudi, a reconnu que le financement du groupuscule qu'il dirigeait provenait d'une espèce de dîme prélevée sur le commerce de ses membres et des donations des sympathisants. Par ailleurs, un membre du “ Majlis Achourra“ de Al Adl Wal Ihssane du nom de Aïssa Acherki a été arrêté lundi dernier. Celui-ci, également responsable de l'association dans la zone nord, est accusé, entre autres, de collecter des fonds sans autorisation. Il devait être entendu jeudi 19 juin par le juge d'instruction de la Cour d'Appel de Casablanca. Le Maroc est appelé plus que jamais à adapter sa législation et ses méthodes de travail pour mieux cerner le phénomène islamiste. Pas seulement au plan de son fonctionnement mais aussi et surtout au niveau de son financement. Les moyens financiers de cette nébuleuse aux ramifications complexes ont longtemps échappé à la vigilance des autorités. La lutte contre le terrorisme ne fait que commencer.