Les armes de destruction massives irakiennes sont invisibles au point de susciter le doute et l'embarras dans les rangs mêmes de la coalition. Londres et Washington auraient-ils dupé le monde pour faire la guerre ? Pour des armes de destruction massives menaçantes au point de déclencher une guerre et de renverser un régime, les ADM irakiennes sont bien discrètes. A défaut de leur présence avérée, c'est désormais leur absence qui inquiète la communauté internationale… Et met largement en doute la crédibilité des supposées preuves apportées avant le déclenchement du conflit par les Etats-Unis et leur allié britannique ! La terrible question est désormais relayée par les médias du monde entier: aurait-on été dupés par une coalition qui cherchait à légitimer une guerre à tout prix? Pour rappel, lors de leur mission de quatre mois sur le terrain, écourtée par ceux-là mêmes qui se retrouvent au cœur de la polémique, les experts de l'ONU – l'AEIA de Mohamed Elbaradei et la COCOVINU de Hans Blix – n'avaient trouvé qu'un type d'arsenal illicite : une centaine de missiles Al-Samoud II. De portée supérieure à celle autorisée par les Nations-Unies, ces engins ne pouvaient en aucune manière servir de casus belli. La coalition avait d'ailleurs eu recours à ses propres services de renseignement pour trouver de quoi incriminer le régime irakien, qualifié de «terroriste» et de «menace pour le monde». Deux principaux rapports avaient alors été établis, l'un présenté par Tony Blair, l'autre par Colin Powell. Le premier, élaboré en septembre 2002, aurait été révisé en mai, soit après la fin des opérations militaires en Irak, à la demande du chef du gouvernement. Principale modification : une note précisant que le président déchu avait les moyens de déclencher une attaque chimique en 45 minutes ! On en aurait presque oublié le fameux «mauvais plagiat» de M. Blair qui avait présenté début février comme accablante, une autre étude sur l'état de l'armement irakien recopiée en grande partie sur une thèse universitaire datant de 1997! Le second grand rapport avait été annoncé en grandes pompes puis détaillé par le secrétaire d'Etat américain lors d'une de ses ultimes prestations d'avant-guerre au Conseil de sécurité de l'ONU. Photos-satellites et enregistrements sonores avaient été présentés comme les «preuves» d'une présence massive d'ADM biologiques, chimiques et atomiques en Irak. Les autres membres de l'instance internationale n'étaient-ils donc alors pas assez dupes au point d'accorder leur aval à la guerre ? La France et la Russie ont jusqu'au bout plaidé pour un retour des inspecteurs sur le terrain afin de vérifier ces soupçons. MM. Elbaradei et Blix sont aussi à plusieurs reprises montés à la tribune du Conseil pour expliquer que leurs équipes avaient besoin de plus de temps et que, début mars, rien ne pouvait justifier le déclenchement d'une guerre. Qu'importe, le 18 mars l'ONU, ses experts, et la communauté internationale ont tous été remerciés. Deux jours plus tard, les premières bombes frappaient Bagdad. Plus de 200.000 soldats mobilisés et équipés du matériel le plus sophistiqué allaient pouvoir entamer l'occupation de l'Irak et renverser Saddam Hussein. Parmi eux, une équipe a aussi été chargée de rechercher les ADM. Dès le 6 avril, elle a fait état de fûts suspects dans le sud. Cette trouvaille a été suivie le lendemain d'une alerte – qui s'est avérée fausse – à la contamination de soldats par des produits chimiques. Le 13 avril, les Américains ont ensuite annoncé avoir trouvé cinq fûts et 278 ogives contenant des substances chimiques… avant de se rétracter. Et depuis fin mars, 320 sites sur les 900 identifiés ont été fouillés en vain par les experts de la coalition. Ces armes illicites, que les Irakiens n'ont pas non plus utilisées durant ce conflit, ont-elles été transférées puis cachées par la Syrie ? Cette piste a été un temps défendue, début mai, par les Etats-Unis qui ont fini par l'abandonner face aux protestations de Damas et de plusieurs pays européens, y compris la Grande-Bretagne… Où le thème a fini par ressurgir début juin ! Accusé par la presse et plusieurs de ses ex-ministres d'avoir «gonflé» son rapport, Tony Blair est depuis mardi confronté à une enquête parlementaire sur la question. Ce qui ne l'a pas empêché, mercredi encore, de tout nier en bloc. Devant les députés de la Chambre des Communes, il a répété que les « preuves » de l'armement illicite irakien existaient… au moment où le journal londonien Times faisait d'ailleurs état de la découverte de moteurs de fusées pour la propulsion de missiles à longue portée ! Aux Etats-Unis, si la polémique touche moins directement le président Bush, elle risque de mettre à mal le Pentagone et son représentant Donald Rumsfeld, un partisan pur et dur de la guerre. C'est en effet principalement sur la base des renseignements du département de la Défense que le rapport de Colin Powell a été élaboré. La CIA a récemment été chargée d'établir la véracité de toutes les informations fournies sur l'Irak. Et Washington a envoyé mercredi, deux jours avant l'arrivée de sept experts de l'AIEA, d'autres spécialistes en recherche d'ADM en Irak… Pour y trouver quoi ?