Le Parti de l'Istiqlal prend de plus en plus ses distances vis-à-vis du gouvernement. Son leader ne cesse, ces derniers temps, de dénoncer la manière dont les affaires de l'Etat son gérées. Un avant-goût des volte-face, sans conséquence heureusement, habituelles du vieux parti. Lors de la discussion relative à la loi de Finances pour l'année 2004, Abdelhamid Aouad, président du groupe istiqlalien dans la Chambre des représentants, n'a pas manqué d'exprimer à haute voix ce que d'autres députés de la majorité disaient discrètement, en annonçant que son parti a voté sans grande conviction contre un projet d'amendement concernant les salaires des hauts fonctionnaires de l'Etat, présenté par le Parti de la justice et du développement. Un parti qui se trouve, bien entendu, dans l'opposition. Le même son de cloche et le même ton critique se ressentent dans le discours de Abbas El Fassi. Ses propos, rapportés sur l'absence de communication entre les membres du gouvernement, font sans nul doute rappeler en grande partie les fameuses polémiques entamées avec l'USFP et son ex-premier secrétaire Abderrahman Youssoufi, lorsqu'il était Premier ministre. N'est-ce pas Abbas El Fassi, ce diplomate, juriste et secrétaire général de la plus importante force partisane, selon les résultats des élections communales du 12 septembre 2003, qui avait annoncé, après 100 jours du gouvernement de Driss Jettou, qu'auparavant, c'est-à-dire durant le gouvernement d'alternance, « nous n'assistons plus à des ministres qui ont le privilège d'avoir des informations et d'autres qui ignorent tout » ? Alors que maintenant, à une année de l'investiture du gouvernement Jettou, les prémices d'une nouvelle phase de confrontation avec la primature pointe à l'horizon. Qu'est-ce qui aurait , donc, changé depuis le temps où il été annoncé qu'« avec Jettou, nous travaillons dans la sérénité » ? Apparemment rien, sauf qu'au fil des jours et avec la pratique, certains comportements se dévoilent et annoncent leurs limites. Pour le Parti de l'Istiqlal, il ne s'agit certainement pas d'une quelconque nostalgie de l'opposition, et ce, même si ce parti, comme l'indique son secrétaire général, dans un entretien publié en mars dernier, avait «passé plus de temps dans l'opposition qu'au gouvernement». Il s'agit plutôt d'une prise de conscience post-électorale et d'une position qui prend de plus forme au niveau de la direction de l'Istiqlal. Une direction partisane qui ne pourra pas, toujours, accepter certains élans accomplis sous une couverture de non-appartenance politique. Abdelkrim Ghellab, directeur de l'organe de presse arabophone du parti, «Al Alam», est allé encore plus loin dans sa rubrique quotidienne «Avec le peuple», en poussant la critique jusqu'au seuil de l'ironie, notamment lorsqu'il estime que le Parlement n'a pas à se réunir annuellement pour débattre et adopter une loi qui n'apporte aucune nouveauté (loi de Finances). Trois dirigeants, alors, qui appartiennent tous au Comité exécutif du PI, mais agissent chacun selon son espace de manœuvres et d'actions et pour une même cause. Abbas El Fassi, en tant que député, secrétaire général du parti et ministre d'Etat, Abdelhamid Aouad, comme président du groupe parlementaire istiqlalien, et Abdelmkrim Ghellab, porteur du titre de directeur du quotidien «Al Alam». Tout porte à croire que l'effet boule-de-neige est à envisager dans les semaines qui viennent.