De très nombreux artistes ont tenu le samedi 24 mai un sit-in devant la wilaya de Casablanca. Ils se sont rassemblés pour condamner le terrorisme. Certains d'entre eux ont été créatifs dans leurs protestations. C'est le cas d'un groupe de plasticiens qui a fait irruption dans la place avec des pancartes dont le monde cherchait à savoir le sens. Ils n'ont pas fait la sourde oreille à ce rassemblement. Ils étaient tous là. Les plus connus parmi les acteurs, cinéastes, hommes de théâtre, chanteurs, humoristes et plasticiens sont venus pour condamner les actes terroristes. Nombre d'entre eux portaient des tee-shirts avec l'inscription : « matqisch bladi». Certains arboraient des pancartes où l'on lisait: « non au terrorisme ». Les artistes ne répétaient pas de slogans, ne protestaient pas en donnant de la voix. Ils étaient calmes. De l'animation, il fallait en chercher autour d'une performance initiée par le peintre Abdellatif Zine. Ce dernier a étendu sur le sol plusieurs panneaux en bois recouverts de rouge. Il a ensuite demandé aux artistes de tremper la paume de la main dans un seau de peinture blanche et de l'imprimer sur la surface rouge. Il a également mis à la disposition de ceux qui ne voulaient pas se maculer la main une toile avec de la peinture fraîche. Ils pouvaient marcher sur la peinture blanche et imprimer le fond de leur soulier sur les panneaux rouges. Ils signaient ensuite avec un feutre. Le peintre Zine a baptisé cette opération : « les empreintes de l'espoir ». Il s'agit, selon une symbolique élémentaire, de substituer au rouge, couleur du sang, le blanc, symbole de la paix. Abdelwahab Doukkali, Hassan Skali et Haja Hamdaouia sont parmi les artistes qui ont laissé leurs empreintes sur les panneaux. La chanteuse Haja Hamdaouia semblait très affectée par les attentats-suicide. « J'ai 73 ans. J'ai vu des guerres, j'ai assisté à des famines. J'ai pleuré des proches décimés par des épidémies. Mais ça, je ne l'ai jamais vu ! Je n'arrive pas encore à me persuader que ce sont des Marocains qui ont tué d'autres Marocains. Depuis le 16 mai, je suis malade », nous dit-elle. Elle insiste particulièrement sur l'étrangeté de ce qui s'est passé par rapport à la culture marocaine. L'acteur Rachid El Oulali ne cache pas, quant à lui, sa colère. Il précise que tout le monde endosse la responsabilité dans les actes terroristes de Casablanca. « Les parents, les enfants et les autorités. Nous n'avons pas cessé de demander d'augmenter le nombre de maisons de jeunes pour occuper les jeunes dans les quartiers », dit-il. Il ajoute que le fait de laisser les jeunes livrés à une oisiveté totale en fait une proie facile pour des personnes qui les embrigadent en leur promettant le destin des martyrs. Alors que les artistes étaient en pleine discussion, un groupe de plasticiens a fait irruption dans la place en face de la wilaya. Il a intrigué tout le monde. Chacun des plasticiens portait un petit panneau peint en orange, à l'intérieur duquel une flèche blanche indique une direction. Les flèches brandies par les artistes désignent des directions différentes. Certaines pointent verticalement, d'autres horizontalement. Les auteurs de cette irruption sont les artistes du collectif la “Source du Lion”, accompagnés d'amis qui sont venus leur prêter main forte. Ils ne disaient rien, mais circulaient dignement entre les manifestants. Interrogé sur la signification de ces panneaux, l'artiste Hassan Darsi, membre du collectif la Source du Lion, répond: «nous sommes ici pour condamner les actes des terroristes, mais nous le faisons à notre manière d'artistes. Les flèches, c'est pour signifier que tout le monde est en quête d'une direction. Et ce qui vient de se passer est l'affaire d'une direction avec laquelle il faut justement se positionner ». Par ailleurs, il n'a pas été permis au public de se mêler aux artistes. Ce qui n'a pas empêché de très nombreux curieux de se tenir derrière des barrières en fer. Certains acclamaient des stars, confuses d'avoir des spectateurs à un moment où elles étaient très peu disposées devant le spectacle.