Parce qu'il les empêchait de s'enivrer et de ramener des filles de joie dans la maison familiale, deux frères, sans profession, ont tué leur autre frère, un cheminot, avant de le découper en morceaux, qui ont été retrouvés dans la décharge publique de Médiouna et dans un terrain vague à Had Soualem. Décharge publique de Médiouna. En ce jeudi 10 mars, les chiffonniers se plient, avec des crochets en fer et des grands sacs à la main, à la recherche de tout objet usé susceptible d'être revendus. Tout à coup, l'un d'entre eux commence à appeler ses collègues : «Venez voir !, venez !…». A-t-il trouvé un objet précieux ? Ses amis le rejoignent devant un grand monticule d'ordures et fixent de leurs yeux l'endroit qu'il leur indique. Ils en restent bouche-bée et n'en croient pas leurs yeux. Le spectacle est macabre : deux avant-bras, deux jambes et deux pieds d'un être humain enfouis au milieu des ordures. Qui les y a déposées? À qui appartiennent-ils ? Ou sont les autres parties du corps ? Une énigme. Les chiffonniers alertent les éléments de la Gendarmerie royale, qui se dépêchent aussitôt sur les lieux. Les parties du corps sont transportées à l'hôpital médico-légal d'Aïn-Chok et des investigations minutieuses sont lancées. Les enquêteurs se dirigent d'abord vers le gardien de la décharge publique. «Ce sont les camions-bennes qui ont collecté les déchets au quartier Al Oulfa, qui ont déversé leur chargement ici», précise le gardien aux enquêteurs. Il leur a montré les camions-bennes, qui étaient au nombre de sept. En parallèle, un échantillon de muscle prélevé sur les membres découverts a été envoyé au laboratoire scientifique de la Gendarmerie royale pour extraire l'ADN qui sera soumis à analyse. En s'intéressant à la piste du quartier Al Oulfa, les enquêteurs ont recouru aux services de la sûreté de Hay Hassani-Aïn Chok. Ces derniers leur ont donné les noms et adresses de personnes déclarées disparues deux ou trois jours avant la découverte des parties du corps dans la décharge de Médiouna. L'opération est aisée puisque le nombre des disparus n'est pas élevé, ce qui leur permet de chercher facilement leurs familles pour avoir plus d'informations. Entre-temps, deux sœurs de la famille Al Ghoumari, se sont adressées à la Gendarmerie de Médiouna. Elles ont été aiguillées par un écrivain public de Casablanca, qui leur avait écrit une déclaration de disparition qu'elles s'apprêtaient à déposer auprès de procureur du Roi. L'écrivain public leur a dit avoir lu dans la presse que des parties du corps d'une personne de sexe masculin ont été découvertes à Médiouna. Et il leur a conseillé de s'adresser à la Gendarmerie royale de cette localité. A la morgue, les deux sœurs ont remarqué sur l'une des deux jambes une tache de naissance et des traces de points de suture. Fondant en larmes, les deux sœurs ont affirmé qu'il s'agissait bel et bien de leur frère, Abdelkrim, disparu depuis le mercredi 9 mars. Elles ne savaient pas qu'un autre de leurs frères, Mohamed, avait signalé, le mardi 15 mars, la disparition de son frère auprès de la police de Hay Hassani. Les enquêteurs se sont dépêchés aussitôt à la maison de la famille Al Ghomari ; un R+2 situé au n° 43, rue 74, Hay al-Azhari 2, quartier al-Oulfa. Après avoir gravi les quatre marches de l'entrée de la maison, les enquêteurs sont entrés dans une grande chambre. «C'est la chambre d'Abdelkrim», précise la sœur. En effectuant un constat des lieux, les enquêteurs ont remarqué que la chambre semble avoir été récemment nettoyée. Est-ce Abdelkrim qui l'avait nettoyée avant sa disparition ? Non, répondent ses sœurs. Qui l'a nettoyée et pourquoi? Continuant leur inspection, les enquêteurs ont mis la main sur un couteau taché de sang. Est-ce du sang humain ? Et si oui, est-ce celui d'Abdelkrim ? Cette tache ressemble-t-elle également à la tache du sang prélevée sur les membres découverts à la décharge publique ? Ces membres appartiennent-ils à Abdelkrim ? Pour en savoir plus les enquêteurs de la Gendarmerie royale ont recouru à la science. Ils ont prélevé un échantillon de la salive du père d'Abdelkrim et l'ont envoyé, ainsi que la tache de sang découverte sur le couteau, au laboratoire scientifique. Une analyse d'ADN s'en est suivie. Le résultat ? L'ADN de la tache de sang prélevée sur le couteau, des membres découverts à la décharge publique et de la salive du père sont les mêmes. En conséquence, les membres appartiennent à Abdelkrim Al Ghomari, 45 ans, célibataire, employé au service d'entretien de l'ONCF. Qui l'a tué ? Qui l'a découpé ? Pourquoi ? Les investigations se sont intensifiées pour arriver à la vérité. Les enquêteurs se sont adressés à son amie, une jeune femme, demeurant à Derb el-Haddaoui, dans l'ancienne médina. La jeune femme a clamé son innocence. L'enquête n'a épargné personne, pas même ses frères. C'est ainsi que les enquêteurs ont remarqué des contradictions dans les déclarations de Mohamed, frère d'Abdelkrim. Soumis à un feu nourri de questions, il a craché enfin le morceau. «Je l'ai tué moi et mon frère Salah», avoua-t-il. C'était dans la nuit du mardi 8 au mercredi 9 mars. Vers 3h00 du matin. La mère, aveugle, n'était pas à la maison. Elle était, en compagnie de ses deux filles, toutes deux mariées, chez une voisine. Le père, un ex-chauffeur en retraite, handicapé moteur dormait dans sa chambre au premier étage. Les trois frères, Abdelkrim, Mohamed et Salah, étaient dans une autre chambre du premier étage. Après avoir regardé la télévision, Abdelkrim s'est endormi. Il n'est pas descendu dans sa chambre située au rez-de-chaussée. Tout à coup, Mohamed s'est approché de lui et lui a asséné un coup de couteau au niveau des côtes gauches. Abdelkrim a crié en ouvrant les yeux. Mohamed lui a alors porté un autre coup puis un troisième au niveau de la poitrine et de la main. Ensuite, Salah lui a donné un coup de hache, à la tête. Abdelkrim est mort. Les deux frères ont enveloppé son corps dans un drap et l'ont descendu dans sa chambre. Là, ils ont ouvert une porte donnant sur un garage. C'est là qu'ils ont découpé le cadavre en morceaux qu'ils ont mis dans des sachets en plastique qu'ils ont jetés dans les poubelles du quartier. Les autres morceaux, ils sont allés les jeter à Had Soualem. Le mobile ? Les deux frères, sans profession, âgés de 40 et 37 ans, l'ont liquidé parce qu'il les empêchait de s'enivrer et de ramener des filles de joie à la maison. Seul le tronc de la victime n'a pas été encore trouvé. Alors que les autres parties ont été découvertes dans un terrain vague à Had Soualem. Les deux frères devaient être traduits, hier mardi, devant la justice à Casablanca.