La démocratie partout dans le monde est capable de garantir la sécurité de ses citoyens par l'application de la loi. Ceux qui croient que la démocratie ne peut générer que des États faibles se trompent. Le choc des attentats de Casablanca du 16 mai 2003 a été considérable. Un choc profond qui a secoué une nation qui se croyait immunisée contre la terreur et qui était convaincue d'être miraculeusement protégée contre les convulsions du monde. Cette forme de naïveté marocaine considérait la stabilité du pays comme un don de Dieu ou pis encore comme une donnée structurelle et un élément constitutif du pays. Un pays stable, tolérant, ouvert, pacifique et profondément attaché à ses valeurs généreuses et à ses institutions fédératrices ancestrales. Et bien cela n'est plus une réalité immanente. C'est devenu depuis le 16 mai un combat de tous les jours à mener, un engagement formel à renouveler et un projet de société à consolider. Tout ce qui pouvait relever auparavant de l'ordre du miracle national, d'une spécificité inhérente à notre culture ou d'une évidence identitaire enveloppée, soigneusement et doctement, sous une forme primaire d'exception marocaine a volé en éclats. Il fallait peut-être, malheureusement, que cela arrive pour que les Marocains sachent ce qu'ils ont et ce qu'ils risquent subitement de perdre, comment ils vivent et comment ils ne pourront plus vivre et quels sont leurs acquis et comment ceux-ci peuvent s'évaporer à la faveur dramatique d'actes barbares ayant pris naissance, au-delà des connexions et des manipulations extérieures, au tréfonds de leur propre société. La transition démocratique que vit notre pays a suscité de graves malentendus. Aujourd'hui, ils prennent une tournure dramatique. Le fait pour les démocrates, véritables et sincères, les patriotes convaincus et les citoyens responsables de ne pas avoir levé ces malentendus, dénoncé ces ambiguïtés et contrecarré les dérives en leur temps met en danger non seulement le processus de démocratisation en lui-même, mais expose toute la société à des réflexes régressifs suscités par la peur de la terreur. Que s'est-il réellement passé chez nous ces dernières années pour que l'on soit réduit à compter les morts dans les rues de Casablanca ? Qu'est-ce qui n'a pas fonctionné pour que la frayeur s'installe dans nos esprits et dans nos cœurs ? Où et à quel moment la chaîne des responsabilités s'est brisée pour que la quiétude et la sécurité des citoyens deviennent une cible pour des terroristes ? Qui est responsable de cette situation puisqu'il faut bien en démocratie, justement, déterminer les responsabilités notamment politiques de ce cataclysme que personne ne semble avoir vu venir ? Et finalement au-delà des pétitions de principe, de l'indignation, de la « victimisation » et de la dénonciation, quelles mesures prendre et quelles réponses apporter qui soient à la hauteur du drame que nous venons de vivre pour aller de l'avant ? La question légitime qui se pose à l'opinion publique est celle de comprendre véritablement ce qui est arrivé hormis, bien entendu, ce qui est parfaitement envisageable selon les normes démocratiques de renvoyer un gouvernement, de limoger un ministre ou de démettre un responsable. Comprendre : voilà l'enjeu. Et l'on constate bien que cela met en marche une mécanique précise de détermination des responsabilités assorties de sanctions politiques claires sans lesquelles l'exercice de la responsabilité publique n'aurait plus aucun sens. Dans ce genre de situation, un pays ne gère plus des carrières prometteuses, des profils flamboyants, des notoriétés immaculées ou des images consensuelles. Il agit. Et après le 16 mai, il va falloir dans les semaines à venir agir pour conforter notre choix de société, pour montrer notre détermination dans l'engagement démocratique et pour manifester notre volonté commune de garantir notre sécurité collective. Tout cela est possible en même temps à condition que le socle de nos valeurs et de nos libertés soit solidement bâti sur la loi. N'offrons pas aux Kamikazes, à leurs planificateurs et à leurs commanditaires le gain facile qu'ils attendent de leurs crimes abjects: un abandon de la démocratie, le choix de la fermeture et de l'intolérance ou l'option du raidissement. La démocratie partout dans le monde est capable de garantir la sécurité de ses citoyens par l'application de la loi. Ceux qui croient que la démocratie ne peut générer que des États faibles se trompent. Nous refusons l'axiome stupide de nos nihilistes locaux qui ne nous offrent que le choix de renier – car nous serions serviles - les valeurs monarchiques qui fédèrent notre pays depuis des siècles ou celui de vivre – car nous serions des incapables majeurs - sous l'empire de « sécuritaires » liberticides. Ces anti-marocains tout à leurs fantasmes puérils nous ont gavé de cette bouillie nihiliste convergeant ainsi avec l'intégrisme le plus obscur pendant près de quatre ans. Aujourd'hui, ils sont vomis et ils sont largement éclaboussés par le sang de leurs inconséquences. Forte de sa légitimité et du soutien de la société tout entière, la démocratie marocaine peut offrir le meilleur rempart contre tous les intégrismes, contre tous les extrémismes, contre tous les nihilismes et contre tous les obscurantismes. Mais auparavant, la règle du jeu démocratique doit être connue et clarifiée pour tous. C'est comme cela que les sanctions des incartades, des violations de la loi se fondent sur la légalité et la légitimité et suscitent l'adhésion de tous. Aujourd'hui, sous des formes diverses, les ennemis de la démocratie marocaine sont à l'œuvre. Soit sous une forme domestique intégriste ou nihiliste ou soit sous une forme exogène avec souvent des connexions avec des complicités locales. Tout cela est désormais bien connu et l'avenir de ces actions néfastes ne dépend plus que de la fermeté avec laquelle la société marocaine dans un sursaut vital pourra les combattre. C'est désormais une question de survie.