Pour Abdelali Benamor, il ne peut exister de contradiction entre démocratie et Etat fort de son statut de droit. Cette conception anarchique n'existe que dans les esprits de ceux qui rechignent aux règles de la loi. Je considère en premier lieu que la question que pose votre journal est très importante et très pertinente dans la conjoncture actuelle. Je voudrais émettre une remarque au préalable, chez nous on semble trouver une sorte de contradiction entre démocratie et Etat fort. Une notion erronée qui ne se pose aucunement dans les démocraties les plus ancrées dans histoire du monde. Je ne vous cache pas que nous y avons déjà réfléchi au sein de notre association « Alternative. » En analysant bien les faits, on constate que c'est dans les pays les plus démocratique que l'Etat est le plus fort. Je vous donne un exemple qui peut être considéré comme simpliste, mais il est beaucoup plus édifiant qu'on le croit. Un citoyen qui brûle le feu rouge en Allemagne ou en France est sanctionné par la force de la loi et non pas par la force de son statut personnel dans la société politique ou économique. Par contre si cette infraction se produit dans un pays africain, le fautif échappe généralement à la sanction par le jeu des relations, de sa fonction et bien sûr de l'absence de la démocratie. Tout cela pour vous dire que le paradoxe entre la démocratie et un Etat fort n'est qu'une invention de ceux qui rechignent à se plier aux règles de la loi. Autrement si l'Etat de droit existe, il n'y a plus d'espace à la culture de la contradiction. Ce faisant on arrive à mettre en oeuvre le concept de citoyenneté dans son sens le plus positif en admettant l'existence des droits mais aussi des obligations. Ce qui signifie aussi que l'on ne peut instaurer des obligations sans que les droits soient respectés car le droit suppose la suprématie de la démocratie réelle avec une justice indépendante dénuée de toute juridiction spéciale. Il faut que l'administration soit au service des citoyens et non l'inverse et il ne faut pas qu'il y ait des rampes de situations politiques et économiques. Lorsque toutes ces conditions sont acquises, l'Etat devient de facto très fort et doit appliquer la loi de façon permanente et non pas d'une manière circonstancielle. Et Dieu sait si notre pays a besoin d'un Etat fort qui a une vision, une politique, une stratégie et des objectifs à réaliser. Le paradoxe entre démocratie et Etat n'est qu'une apparence que certains entretiennent pour des raisons incompréhensibles. Car si l'Etat est affaibli, il ne pourrait t y avoir d'Etat de droit. Ceci étant ceux qui veulent faire avaler toutes les couleuvres à l'Etat de droit en l'assimilant à l'anarchie se trompent sur toute la ligne quand ils ignorent la force de la loi. Ils ont tort s'ils croient qu'ils peuvent avoir tout par la force tout en sachant que ce sont les textes qui font la force de la loi et par conséquent celle de l'Etat de droit. Le problème pour notre pays est qu'il est en phase de transition qui ne lui permet pas de dire qu'il est dans un Etat de droit dans le sens le plus profond. Cette situation engendre des dérapages et des débordements dans un sens comme dans un autre que ce soit par un comportement anarchique des citoyens ou par les atteintes aux droits de l'Homme par les pouvoirs publics. Je compare la situation actuelle de notre pays au jeu de flipper avec des idées qui fusent de partout sans ordre, ce qui pose problème au niveau de l'Etat fort. Aussi il me semble que la responsabilité de la classe politique a un rôle crucial à jouer dans l'information, la conscientisation et la fixation des règles du jeu de la démocratie et de l'Etat de droit fort et stable. À mon avis il faut opérer cette transition sans ouvrir la plaie d'un passé douloureuse tout en rendant justice morale et matérielle à ceux qui en ont souffert. L'Espagne n'a pas fait le procès du Franquisme tout comme l'Afrique du Sud et pourtant ces deux pays ont réussi brillamment leur transition politique et économique.