Les attentats ignobles perpétrés à Casablanca ont, une fois de plus, mis en évidence la lâcheté des commanditaires de tels actes. Un rescapé de la Casa España raconte l'enfer qu'il a vécu cette nuit pas comme les autres. Originaire de Marrakech, R. était en mission à Casablanca. Son travail l'amène souvent à séjourner dans la capitale économique, une ville où il se retrouve bien. Comme à l'accoutumée, R. logeait à l'hôtel Mauritania, situé en face du club la Casa de España. Ce soir-là, il devait dîner avec des amis, dans le resto d'en face, un coin où l'on mange bien et où l'ambiance est agréable. Le cadre plaisant de la Casa España, R. le connaissait bien pour l'avoir fréquenté à diverses reprises. Jogging et babouche, c'est en tenue décontractée que R. se rendit à son rendez-vous, vu qu'il fallait juste traverser la rue pour accéder à ce restaurant espagnol. Ce soir, le restaurant était, pour deux raisons d'ailleurs, plein à craquer. La première est que, réservé uniquement à la soirée du vendredi, le fameux Bingo attire généralement beaucoup d'amateurs. La seconde raison est que ce jour coïncidait avec la réouverture des débits de boisson, après la fermeture de trois jours à l'occasion de l'Aïd Al-Maoulid. Une ambiance bon enfant régnait ce soir-là. À l'instar des autres clients de la Casa de Espana, R. savourait ce moment de détente sur fond de flamenco et de gastronomie espagnole, sans se douter que, tapie dans l'ombre, la mort guettait ses futures proies. Pendant ce temps-là, l'acte lâche était déjà entamé. À l'extérieur, les trois kamikazes étaient confrontés à une donne qui ne figurait pas sur leur plan abject. Le portier, on ne sait pour quelle raison, les aurait empêchés d'entrer au restaurant. Sans doute à cause de leur jeune âge, sinon à cause de leur apparence suspecte. Toutefois, ils parviendront quand même à entrer à la Casa España... après avoir sauvagement égorgé le vigile. R. était en train de discuter quand sa table, sa vie également, basculèrent. La déflagration était d'une intensité démesurée, à tel enseigne qu'elle fut entendue à des kilomètres à la ronde. R. fut projeté à plusieurs mètres de l'endroit où il était assis. «Je me suis retrouvé par terre, dans l'obscurité totale. Pendant une fraction de seconde, la vie s'est arrêtée, un silence a furtivement régné dans la salle, avant que les premiers cris de douleur et de détresse ne fusèrent, escortés de gémissements et de plaintes...», racontait R., encore en état de choc, quelques moments après l'attentat barbare. Lorsqu'il essaya de bouger, il réalisa qu'il en était incapable, son pied gauche, sévèrement entaillé, avait subi une double fracture ouverte. Une forte odeur de sang et de poudre régnait sur les lieux. «J'étais paralysé, à genoux, et du coup, je me suis senti dans la peau des victimes d'attentats, j'en été une, c'est abominable (...) Quelqu'un est venu, m'a saisi et m'a fait sortir dehors», nous avait déclaré R. sur son lit d'hôpital. Lorsque la lumière revint, celle-ci révéla un spectacle d'une atrocité telle que R. n'est pas prêt d'oublier. Du sang partout, des corps déchiquetés, des jambes, des têtes, des lambeaux de chair... l'enfer.