«Les dépôts des ménages connaissent un ralentissement assez préoccupant au cours de ces dernières années. La progression des dépôts à vue est en nette décélération et ceux à terme ont perdu près de 10% de leur volume depuis fin 2015». Ce sont les propos de Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Marghib, lors de son intervention à la Conférence organisée, jeudi à Rabat, par la CDG, BAM et Barid Al-Maghrib à l'occasion de la Journée mondiale de l'épargne, sous le thème «L'éducation financière à l'ère de la digitalisation : un levier pour la promotion de l'épargne». Le wali de Bank Al-Maghrib reconnaît que l'épargne financière demeure faible au Maroc. Il a indiqué dans ce sens que les données disponibles au Maroc sur l'épargne montrent un grand défi à relever sur ce volet. «L'épargne des ménages, qui se situe autour de 14% de leur revenu disponible brut, serait beaucoup plus faible en comparaison internationale sans les transferts des Marocains résidant à l'étranger et la faiblesse des cotisations», déclare-t-il. M. Jouahri illustre son propos en soulignant que «les données de l'enquête Findex 2017 de la Banque mondiale montrent que la proportion de la population en âge d'activité qui épargne est deux fois moins élevée au Maroc que la moyenne des pays de la catégorie à revenu intermédiaire inférieur. Ces niveaux seraient encore plus bas si l'on se limitait à l'épargne auprès des institutions financières». Dans le même contexte, le wali de BAM a mis l'accent sur le rôle de l'épargne en tant qu'une donnée centrale pour un pays comme le Maroc qui s'efforce d'accélérer son développement et sa croissance et qui a en conséquence des besoins de financement importants. «Elle est aussi déterminante au niveau micro-économique, permettant aux ménages, par priorité, de pouvoir accéder au logement, de mieux assurer l'avenir de leurs enfants, mais aussi de se protéger contre les aléas de la conjoncture et d'éviter, pour les plus vulnérables d'entre eux, de basculer dans la pauvreté», dit-il. Pour sa part, Abdellatif Zaghnoun, directeur général de la CDG, a axé son intervention sur l'impact fort important de l'épargne pour l'investissement et pour la croissance. Il a indiqué à ce sujet que l'épargne de long terme «demeure au centre des préoccupations des différentes parties prenantes, à savoir les pouvoirs publics, Bank Al Maghrib, les banques, les assurances, Barid Al-Maghrib, les caisses de retraite et bien évidemment la CDG dans le cadre de ses missions originelles». Cela d'une part, à travers la collecte, la gestion et la sécurisation des ressources d'épargne – ou fonds réglementés – qui, de par leur nature ou leur origine, requièrent une protection particulière, et d'autre part la gestion des fonds de prévoyance et de retraite via la CNRA et le RCAR. «La dynamique d'investissement, enclenchée depuis plusieurs années et confirmée, entre autres, par le projet de loi de Finances en cours de discussion, ne peut être entretenue de manière durable que par la mobilisation des ressources d'épargne de long terme, à côté des financements internes et extérieurs et la mise en place de nouveaux mécanismes attractifs de mobilisation et transformation de l'épargne alignés avec les objectifs nationaux de développement», affirme-t-il. M. Zaghnoun n'a pas manqué de signaler que «la CDG a toujours inscrit la gestion et le développement de l'épargne, sa transformation en emplois d'utilité collective au centre des missions qui lui sont dévolues». Et d'ajouter que «la CDG centralise et gère plus de 260 milliards entre dépôts et fonds de retraite et de prévoyance tout en participant au développement économique et social de notre pays». Accroître l'épargne : Amélioration de l'emploi et surtout de sa productivité Pour accroître l'épargne qui pourrait affecter la capacité de l' économie à financer ses besoins en matière d'investissement, le wali de Bank Al-Maghrib a cité deux catégories d'actions à envisager. La première consiste à accroître le potentiel à moyen et long termes de cette épargne par l'accélération de la croissance, l'amélioration de l'emploi et surtout de sa productivité. Il s'agit dans les faits d'enclencher un cercle vertueux d'une croissance génératrice de revenus et donc d'épargne elle-même nécessaire pour soutenir cette croissance. «Evidemment, nous convenons tous que c'est là un des plus grands défis de notre économie aujourd'hui». La seconde catégorie consiste à mieux exploiter, à plus court terme, le potentiel mobilisable. Ce défi interpelle, selon lui, en premier lieu la communauté financière dans sa globalité, autorités publiques, régulateurs, système bancaire, institutions financières… «Il s'agit de poursuivre le développement de notre système financier, en particulier par l'élargissement et la diversification des opportunités et des produits de l'épargne parallèlement à l'élargissement de l'accès aux services financiers à un plus grand nombre de ménages», détaille-t-il. M. Jouahri a signalé dans son intervention que le développement de l'épargne ne devrait pas être relégué au second plan dans les agendas des politiques publiques et des institutions financières. «C'est une condition sine qua non pour mobiliser les ressources nécessaires au financement de l'économie globalement et de ses composantes souvent exclues, notamment les jeunes entrepreneurs et les petites entreprises». L'éducation financière : Un enjeu majeur pour le développement d'une épargne Fer de lance de l'inclusion financière, l'éducation économique et financière est devenue un facteur essentiel d'efficacité économique et d'équité sociale. A ce sujet, l'ensemble des intervenants a relevé l'importance de l'éducation financière comme étant un enjeu majeur pour le développement d'une épargne nécessaire pour le développement socio-économique des pays. «L'objectif d'inclure financièrement tous les citoyens ne pourrait être atteint sans améliorer au préalable les compétences et les connaissances économiques et financières de ces derniers», affirme M. Zaghnoun. Et de poursuivre que «l'éducation financière devient essentielle et doit permettre à chaque individu de prendre des décisions adéquates en matière d'investissement et de faire des choix rationnels et éclairés. Mieux comprendre pour mieux décider est là tout l'enjeu de l'éducation financière». Selon lui, elle est aujourd'hui indispensable plus encore dans un monde de plus en plus digitalisé et qui donne plus d'autonomie aux consommateurs. «Le développement des nouvelles technologies a offert aux épargnants l'accès à de nouveaux produits financiers, à une quantité importante d'informations sur ces produits, mais aussi à des outils sophistiqués leur permettant de mieux évaluer les besoins et mieux orienter les investissements». Pour M. Jouahri, le développement de l'épargne passe également par l'alphabétisation et l'éducation financières. Celle-ci est nécessaire pour, comme le précise la définition de l'OCDE, «aider les agents notamment les ménages et les petites unités économiques à améliorer leur connaissance des produits financiers, acquérir les compétences et la confiance nécessaires pour mieux comprendre les risques et les opportunités de la finance et faire des choix éclairés et raisonnés».