Le président de Centre régional du tourisme (CRT) d'Agadir, Saïd Scallly, a reçu ce courrier à la suite de l'opération d'assainissement menée récemment par les autorités et les élus de la ville. Journée banale… tôt ce matin, la plage au sable blond achève sa toilette, la mer et ses flots d'écume blanche viennent lécher les pieds des parasols partiellement rouillés et plantés sauvagement dans l'immensité de ce rare et magique tapis de sable d'or, défiguré certes par des baraquements dignes des misérables paillotes de villages de pêcheurs du tiers-monde… Mais il fait beau, le soleil est radieux, et le touriste quoique désemparé par ce spectacle de désordre et de laxisme, tourne son regard pour contempler un océan d'huile fendu par une kyrielle de barques se faufilant entre de gros paquebots voguant vers le grand large. Sur la promenade de front de mer, quelques joggeurs se mêlent courageusement à la foule des badauds ou des rescapés des «bars à chikhates» qui pullulent le long du principal boulevard du secteur dit touristique. De petites gargotes transformées -en toute impunité- en cabarets à ciel ouvert dans une ambiance de mille et un décibels, se disputaient, la veille encore, la vedette -du crépuscule jusqu'à l'aube- à une foultitude de baraques aussi laides les unes que les autres, mais au nom poétique et évocateur de «kiosques», véritables cavernes d'Ali Baba où l'on trouve de tout… comme à la Samaritaine ! La ville s'éveille, les taxis déversent leur flot continu de visiteurs et d'autochtones, la circulation est fluide ; calme et sérénité rythment ce ballet orange et bleu délavé… Le personnel employé aux terrasses de cafés et de restaurants déploient hâtivement tables et chaises, envahissant systématiquement et pernicieusement les espaces de circulation piétonne… Présentoirs de menus, totems, enseignes, panneaux publicitaires encadrent telles de vigilantes sentinelles les accès des terrasses conquises, abritées de toutes sortes de pergolas multiformes et multimatières… Ici, tout se confond, tout se marie, le plastique et l'acier, le bois et les toiles de bâche noircies par la poussière de trottoirs mal dallés ou défoncés… devant le regard triste de quelques arbustes chétifs et assoiffés. Les piétons arrivent tout de même à circuler au risque de se faire écraser, se fouler la cheville ou heurter malencontreusement les barres et poteaux de fixation de ces abris de fortune -au sens propre et au sens figure-. On s'habitue à tout et surtout à la laideur… disait Sachat Guitry. Mais il fait beau et les gens sont souriants… rien ne vient troubler cet ordonnancement qui perdure depuis des décennies, dans l'indifférence des uns et l'impuissance des autres… Chut ! Calmons-nous… ici tout est calme… Soudain, tel un tsunami, des «forces surnaturelles» viennent troubler le décor… elles emportent tout sur leur passage… bâches envolées, cloisons éventrées, marquises démolies, sols défigurés, façades dénudées… tables et chaises subissent ce tremblement de terra-sses inattendu -quoique annoncé- devant des serveurs médusés et des patrons incrédules et à la mine pathétique… Toutefois, ce moment de stupeur dépassé, on ravale rapidement les façades, on bricole quelques parasols remisés depuis belle lurette, on relooke, on relifte, on libère les «espaces occupés». Et idée bénie ! On redécouvre tous les bienfaits de ce tsunami administratif -car c'est de cela qu'il s'agit- menée par une nouvelle race de gouvernants, animée de volonté, de détermination politique et d'ambitions désintéressées… Tout paraît soudain, plus beau, plus dégagé, plus clair, plus accueillant et plus humain. On découvre l'architecture marocaine et la beauté de ses lignes ; on redécouvre le plaisir de flâner, de lécher les vitrines et de «mater» les heureux consommateurs confortablement attablés sur des terrasses enfin «décoiffées» et ô combien plaisantes et rassurantes. Les patrons retrouvent leur sourire au son mélodieux des machines enregistreuses… comme quoi à chaque chose malheur est bon ! Gadiri de naissance, j'avais un rêve -I have a dream- celui de revivre dans l'Agadir reconstruit – le souvenir, enfoui dans mes mémoires, de nos ruelles, de nos boulevards et de nos placettes à l'architecture vernaculaire des villes de l'Atlantique-sud, aux terrasses fleuries de bougainvilliers et de mimosas, aux circulations réservées aux piétons s'étirant à l'ombre de palmiers et d'araucarias. Puisse ce rêve se poursuivre et que les belles arcades du boulevard 20 Août dépoussiérées et dévoilées, retrouvent leur majesté et leur pureté originelles, dépouillées de tout corps étranger et d'enseignes sauvages… telles les arcades du Louvre ou les passages du Ponte-Vecchio… Optimiste de nature et amoureux de ce boulevard qui porte si bien son nom – 20 Août, la Révolution du Roi et du Peuple – je salue et félicite les énergies neuves et les synergies recomposées qui ont brillamment et courageusement relevé le défi, celui de l'assainissement et de la qualité du tissu urbain. Pour que ce tsunami» béni et bienvenu ne devienne pas vite un mirage, redoublons d'efforts et conjuguons nos compétences pour paver, planter, décorer,dépouiller, éclairer, animer, améliorer notre cadre de vie et de ville. La baie d'Agadir, n'aura dès lors plus rien à envier ni à la promenade des Anglais ni à celle de Rio ou d'Acapulco. Un autre tsun-ami d'Agadir. • Hassan Rachad (Agadir)