C'est un rassemblement comme on en voit peu. Les forces vives en matière d'art, de cinéma, de littérature et de musique vont se réunir, lundi prochain au théâtre Mohammed V, pour exprimer leur opposition à la guerre contre l'Irak. Tous les établissements d'art et de culture du pays ont donné leur accord. «Très peu importe l'initiateur de cette mobilisation, l'important, et ce que l'on doit retenir, c'est que tout le monde a répondu présent», dit Hassan Nejmi, président de l'UEM (Union des Écrivains du Maroc). L'idée de cette mobilisation, même si personne ne tient à le proclamer, appartient au syndicat national des professionnels du théâtre. Sa date n'est pas fortuite. Le 17 mars est connu de tous ceux qui s'intéressent à l'éventualité d'une guerre contre l'Irak. Il s'agit de « la date butoir» assignée par les Etats-Unis à l'Irak pour prouver qu'il ne possède plus «d'armes de destruction massive», autrement la guerre aura lieu. Cette guerre révolte les participants à cette mobilisation. À commencer par le peintre Abdellatif Zine, secrétaire-général du syndicat des artistes plasticiens marocains. « La comédie a assez duré ! Les Etats-Unis veulent mettre la main sur les richesses des Arabes au nom de la légalité. En tant qu'artiste, je refuse d'écouter l'opéra funèbre des avions de chasse et bombes américains», dit-il. Les propos du chanteur Abdelouahab Doukkali sont encore plus virulents. Mais il établit d'emblée un distinguo entre les Américains et leur gouvernement. Il loue à cet égard la protestation des stars hollywoodiennes et des hommes de lettres américains, avant de s'indigner contre «la guerre du pillage». «A-t-on déjà vu un pays vouloir en démocratiser un autre tout en convoitant ses richesses ! A-t-on déjà vu une opération de vol qualifiée s'opérer au nom de la loi !» Abdelouahab Doukkali en appelle au bon sens et à la raison élémentaire. Il veut qu'on lui explique pourquoi est-ce que les USA applaudissent en Israel ce qu'ils refusent aux pays arabes. «Les vrais terroristes sont ceux qui sèment la terreur. La population d'un pays entier est terrorisée par la faute des Etats-Unis!» Il ajoute qu'il va chanter et s'exprimer avec son cœur, lors de la soirée du lundi, puisque le plus fort s'est désormais emparé de la raison. Le cri du cœur sera aussi celui des nombreux poètes qui participeront à cette fête. À commencer par Mohammed Bennis, président de la Maison de la Poésie au Maroc, qui est également très affligé par «l'option de la destruction des valeurs humaines», vers laquelle se tournent résolument les USA. «Cette guerre prouve plus que jamais l'arrogance des Etats-Unis qui veulent imposer leur loi et leur vision du monde, non seulement à l'Irak, mais à toute la planète. Pour ma part, je considère que nous entrons dans une phase de l'hégémonie de l'injustice», dit-il. Ceci dit, ces opinions ne vont pas transformer la rencontre en lieu de discours. C'est par la création que les artistes devront manifester leur opposition à la guerre. De courtes performances sont prévues à cet effet. La dame au grand cœur Naïma Lamcherki improvisera sur scène, Naïma Samih interprètera une chanson de Nadim Ghazali, Mohamed Derham dira à sa façon la peine du peuple irakien, Latifa Raâfat interviendra aussi, ainsi que d'autres stars du théâtre, de la chanson et des autres arts. Tout le monde a été convié à cette rencontre. On ne peut déplorer aucune élimination dans ce sens. Les cinéastes s'exprimeront aussi. Sâad Chraïbi, vice-président de la Chambre marocaine des producteurs de films (CMPF), nous dit qu'un court-métrage de Mostapha Derkaoui, filmé après la guerre du Golf, sera projeté. Mohamed Abderrahman Tazi, président du Groupement des auteurs, réalisateurs, producteurs (GARP), affirme de son côté que les cinéastes de son groupe réfléchissent à la meilleure façon de réagir par l'image à cet événement. Cinq à six peintres réaliseront quant à eux un tableau collectif qui restera accroché au théâtre Mohamed V pendant un an. Des noms sont cités, des crissements entre les deux associations rivales se font d'ores et déjà entendre. La mobilisation contre la guerre en Irak sera-t-elle plus forte que les différences entre les uns et les autres ?