La Journée mondiale du théâtre a été célébrée le samedi 27 mars. L'occasion de dresser le bilan du théâtre marocain. Si des avancées réelles, à mettre à l'actif du ministère de la Culture, ont été enregistrées, des insuffisances handicapent toujours l'essor d'un théâtre de qualité au Maroc. Peut-on, enfin, parler de théâtre au Maroc ? À l'heure où cet art, père de toutes les autres formes d'expression artistique, est à l'honneur puisque la Journée mondiale du théâtre a eu lieu le 27 mars, notre théâtre, à nous, semble toujours, et depuis plus de quarante ans déjà, à la quête d'une voix dont il commencent à peine à rassembler les multiples cordes. Même si des efforts certains, allant dans le sens de créer une dynamique à même de « relancer » notre théâtre, commence à apporter leurs fruits, la pratique théâtrale, elle, semble toujours boiteuse. Ce qui est cependant sûr, c'est que le Maroc s'éloigne peu à peu de la situation alarmante dans laquelle cet art pataugeait. Pour Jamaledine Dkhissi, Directeur du Théâtre National Mohammed V, le théâtre marocain a connu, durant les six dernières années, une évolution considérable au niveau notamment de la quantité des productions. Dans un entretien accordé à l'Agence MAP, il a passé en revue plusieurs éléments ayant participé à « sauver » le théâtre marocain. A commencer par le programme de soutien à la production théâtrale par le ministère de la Culture. Un programme qui a fait élever à 30 le nombre de compagnies qui soutiennent le théâtre, soit une augmentation de 3%. Une avancée à laquelle s'ajoutent d'autres. Louant dans ce sens cette démarche, plus d'un professionnel du théâtre marocain partage cet avis. Parmi eux, le vétéran du théâtre marocain, Tayeb Seddiki, qui met en exergue certaines initiatives dont la création du fonds d'aide au théâtre, la création et le renforcement du festival national de Meknès, qui en est à sa 5-ème édition et le développement d'infrastructures théâtrales, comme c'est le cas dans les villes de Khouribga et Meknès, où un théâtre a été construit dans chacun des deux villes. L'absence d'infrastructures n'est pas encore résolue pour autant. Une ville de près de 4 millions d'habitants comme Casablanca ne possède toujours pas de véritable théâtre. Les autres grandes villes ont parfois quelques petits théâtres, mais qui sont négligés, mal équipés et mal entretenus. Parmi les initiatives à mettre à l'actif du ministère de la Culture, figure également la création d'un festival international bi-annuel de théâtre pour le jeune public. Six troupes régionales ont également été créées. Elles montent chaque année une production et participent à des festivals internationaux. M. Dkhissi en veut pour exemple, la troupe régionale de Rabat, primée au festival de Carthage et la troupe régionale de Meknès qui « a eu de très bons échos lors du festival expérimental du Caire ». Toujours est-il que la formation des comédiens pèche toujours par la rareté d'écoles et centres dédiés à la cause. La seule école de théâtre qui existe dans le pays à ce jour, l'ISADAC (Institut supérieur d'art dramatique et d'animation culturelle), n'a été créée qu'à la fin des années 80 à Rabat. Et il faudra sûrement attendre longtemps avant que de grands talents ne surgissent d'entre ses murs. L'adoption par le Parlement du statut de l'artiste représente également, selon lui, « une base pour développer les statuts régissant les métiers de l'art et une reconnaissance du métier ». « C'est une avancée très importante dans la mesure où ce statut constitue une plate-forme pour aller de l'avant et avoir une réglementation spécifique à ce métier », a-t-il dit. Un statut, mais aussi un public qui, lui, se fait de plus en plus rare. Le public marocain reste peu initié à la culture du théâtre. Tayeb Seddiki insiste à cet égard sur les rôles des médias télévisés. Pour lui, tout effort de sensibilisation du théâtre ne peut se faire sans l'apport des chaînes de télévision nationales. « Il s'agit de l'un des meilleurs moyens d'instaurer une culture du théâtre au Maroc. Non seulement par la diffusion régulière de pièces théâtrales, mais d'émissions sur le théâtre à même de créer un intérêt pour le théâtre chez le public. Des émissions qui auraient à relever le challenge d'être didactiques, sans être ennuyeuses pour autant », déclare-t-il. Si les choses avancent au niveau structurel, reste un problème de taille à résoudre : celui de la qualité des productions. Si quelques disciplines ont pu prospérer (ou du moins donner cette impression), comme c'est le cas de la littérature, de la peinture et du cinéma, le théâtre a toujours été et demeure le parent pauvre de la famille, sans grande valeur artistique. Prix entre le piège des pièces à « message » et le tragiquement loufoque d'un théâtre dit populaire, le théâtre en tant qu'art à part entière, le théâtre pour le théâtre, a du mal à s'imposer.