La famine pousse les paysans à abandonner leurs terres pour rallier la ville où, selon les rumeurs, la situation reste plus ou moins vivable de par les fameux bons de rationnement distribués à la population par les autorités. Le jeune auteur marocain Soufiane Marsni, né en 1976, raconte, dans son roman «La grande famine» publié par les éditions Marsam des faits remontant aux années 40. Ces événements de famine demeurent fort méconnus par des générations bien qu'elles aient marqué l'histoire du Maroc à l'époque. Une ère doublée de la 2ème Guerre mondiale «Les années 40 sont une époque charnière dans l'histoire du pays qui s'est vu passer très vite du statut de protectorat français à une colonisation française. A cette époque-là, les disparités sociales sont devenues flagrantes surtout entre le monde urbain et rural», précise l'écrivain. Ces faits sont, selon Soufiane Marsni, doublés de la Deuxième Guerre mondiale qui a entraîné des malheurs innombrables sur le pays. Comme il l'explicite, la famine qui a suivi cet événement mondial pousse les paysans à abandonner leurs terres pour rallier la ville où, selon les rumeurs, la situation reste plus ou moins vivable de par les fameux bons de rationnement distribués à la population par les autorités dans une vaine tentative de faire face à une pénurie de plus en plus importante des matières alimentaires. Dans son intrigue, l'auteur raconte l'histoire d'un couple dont le mari décide de migrer de la campagne vers Casablanca après avoir trouvé un emploi en ville en pleine période de famine. Hélas, l'époux décède suite à un accident sur le chantier où il travaille. Pour subvenir aux besoins de ses deux filles, sa femme, Halima se voit obligée de travailler dans une usine où elle rencontre une autre dame, Aicha, qui lui souffle l'idée de s'approvisionner en usurpant l'identité d'une autre femme. Rattrapée par la jalousie de sa voisine, épouse d'un policier, elle finit par décider de quitter la ville en ayant une pensée pour son amie, Aicha, bien qu'elle l'ait mise dans un pétrin. Le tout s'étant déroulé dans l'ère en question. Pour s'informer de cette période, l'écrivain a eu recours à un proche parent. La tante de l'auteur, source d'informations Guidé par sa curiosité intellectuelle, l'écrivain s'est davantage renseigné sur les tenants et les aboutissants de cette curieuse période. «Tellement il m'était inconcevable de présenter le calvaire des Marocains réduits à faire la queue devant les bureaux et devant les magasins pour se procurer des vivres !», enchaîne-t-il. L'auteur, qui dit avoir toujours été passionné par l'histoire du Maroc, notamment celle contemporaine riche en événements marquants, restés, pendant de longues décennies, gravés dans la mémoire collective de ses concitoyens, a trouvé en sa «défunte tante une source inépuisable d'informations». Celles-ci lui avaient, selon ses dires, permis de mieux connaître la réalité de cette époque-là, surtout les rapports humains et la solidarité des gens face à un tel drame. «Ceci m'a également permis de comprendre la particularité de la société marocaine, une mosaïque de cultures et d'ethnies. Il n'y a pas mieux que Casablanca pour illustrer le côté cosmopolite incarné par la présence d'étrangers et d'autochtones sur le même territoire», enchaîne-t-il. Cette compréhension par l'auteur est véhiculée, dans son livre, pour la partager avec le lecteur en récoltant des informations surprenantes. De fortes précipitations avant la famine Selon Soufiane Marsni, ce roman, destiné aussi bien aux jeunes qu'aux moins jeunes, a pour ambition de lever beaucoup d'amalgames sur la cause de cette famine dévastatrice. «J'ai été stupéfait de constater que bon nombre de Marocains, même ceux et celles qui pensent en savoir beaucoup de choses, prétendent que la famine des années quarante fut le résultat de plusieurs années de sécheresse, alors que tous les témoignages, y compris des études crédibles et officielles, démontrent d'une manière on ne peut plus clair que les années qui ont précédé la famine avaient enregistré des taux de précipitations exceptionnels!», exalte-t-il. Cela étant, il veut, à travers cet ouvrage, réconcilier les Marocains avec un pan de notre histoire en leur présentant les faits d'une manière littéraire et attrayante. A leur tour, certains personnages dans le roman sont susceptibles de donner des impressions ambivalentes. Là, l'auteur se veut clair. Dans le tréfonds des personnages principaux Le roman aborde l'histoire de Halima qui incarne, selon l'auteur, la femme «paysanne, naïve certes, mais débrouillarde et courageuse face à un tel malheur». Pour lui, l'héroïne de l'œuvre a un côté ingénieux, une abnégation et un courage pour assurer la survie de ses deux filles. Puisqu'elle est restée seule après le décès de son mari, elle dut trouver une issue. Quant à Aicha qui est la femme la plus audacieuse «peut-être» du roman, elle incarne la femme citadine qui ose contourner les difficultés, quitte à tenter d'obtenir des bons supplémentaires au nez et à la barbe des autorités en inventant une histoire complètement rocambolesque. Ni la première ni la deuxième n'auraient pu faire autrement, toutes les deux sont restées sans soutien après la perte de leurs conjoints. Or Aicha, selon l'auteur, n'avait pas pu tourner le dos à son amie et l'abandonner à son sort, même si la situation recommandait la plus grande discrétion. De leur côté, d'autres personnages laissent voir une haine à l'égard de leurs pairs. C'est le cas du sentiment de l'épouse du policier et ses filles envers Halima et ses petites. Dans ce sens, l'écrivain se veut également clair. «Les gens n'ont jamais été ni plus bons ni plus mauvais, ils sont toujours les mêmes. Nous avons toujours tendance à prétendre que la vie fut autrefois plus propice, que les gens furent assez sympas, mais on oublie très vite que la bonté et la méchanceté ont toujours cohabité ensemble chez les humains et ce depuis la nuit des temps», avance l'auteur qui travaille sur son 2ème roman après deux recueils de nouvelles.