Le sort des victimes de l'escroquerie à l'embauche à bord de bateaux de croisière ne semble intéresser ni émouvoir personne. Aucun comité de soutien, à l'instar de celui qui s'est constitué en faveur des "jeunes musiciens", ne s'est mobilisé pour défendre les droits de ces milliers de jeunes floués de l'Anapec, du gouvernement et de la vie. Le sort des victimes de l'escroquerie à l'embauche à bord de bateaux de croisière ne semble intéresser ni émouvoir personne. Aucun comité de soutien, à l'instar de celui qui s'est constitué en faveur des “jeunes musiciens“, ne s'est mobilisé pour défendre les droits de ces milliers de jeunes floués de l'Anapec, du gouvernement et de la vie. Tout se passe comme s'il existait des causes plus défendables que les autres, des jeunes plus égaux que les autres. Peut-être que le cas de cette jeunesse menée en bateau, plongée dans le désespoir, relève d'un fait divers de masse qui ne trouve pas grâce aux yeux des cavaliers de la société civile. La glèbe ne mérite pas le glaive de la “bien-pensance“ à la marocaine… Dès qu'ils montrent le bout du nez pour réclamer de l'embauche, ces malheureux se trouvent nez-à-nez- ça ne rate jamais- avec les forces de l'ordre comme si leur protestation pouvait constituer une quelconque menace pour l'ordre public. À croire que l'horizon de cette population ne va pas plus loin que le mur infranchissable de la police. La violence avec laquelle le sit in de ces jeunes a été dispersé, dans la soirée du mardi 11 mars devant le Parlement, interpelle et inquiète à la fois. L'arnaque Al Najat est une affaire où les pouvoirs publics se sont fourvoyés et où leur vigilance a été prise en défaut. Cela a été établi et c'est grave. Tout a été dit sur les tenants et aboutissants de ce scandale dont les responsables sont du reste connus pour avoir officiellement cautionné l'opération. Le Premier ministre Driss Jettou, dont le gouvernement a hérité de ce scandale, ne s'est pas empêché d'exprimer son étonnement : comment tout un pays s'est fait avoir par des escrocs internationaux sans que les mécanismes de contrôle de l'État n'aient fonctionné ? Voilà la question de fond. Autrement dit, un ministre peut-il tout seul, même s'il le veut, engager la responsabilité de l'État en dehors de la vigilance supposée de ce dernier ? Pourquoi l'ex-ministre de l'Emploi, Abbas El Fassi, a-t-il exclu le gouvernement de la gestion de cette opération qui était tout de même importante? Trente mille emplois, ce n'est pas rien. Bien au contraire… En fait, à y regarder de plus près, cette offre mirifique était censée dès le début inviter moins à l'enthousiasme qu'au doute. Car elle sentait dans chaque coin l'arnaque à plein nez. Mais pourquoi Abbas El Fassi n'a-t-il pas douté un seul instant ? Pourquoi l'Anapec a-t-elle légitimé l'opération allant même jusqu'à faire montre d excès de zèle dans l'inscription des candidats dans toutes les régions du pays ? Que des questions. Que des zones d'ombre. Le gouvernement Jettou a d'abord obligation, avant de faire aux victimes des promesses qu'il sait d'avance impossibles à honorer, d'œuvrer pour la recherche de la vérité sur ce dossier scabreux en prenant les mesures qui s'imposent. Force est de constater que le Premier ministre se comporte jusqu'ici par rapport au drame des victimes des 30.000 emplois avec la même légèreté déconcertante qui a conduit au scandale actuel.