Le plus important groupe privé algérien est-il en train de faire les frais d'un revirement du pouvoir algérien et des malversations dont la presse l'accuse depuis des mois ? Le groupe Khalifa communique pour rassurer. Mercredi, au surlendemain de la nomination d'un administrateur provisoire à la tête de sa filiale bancaire, «l'empire» a déclaré qu'il n'était pas du tout sur le point de s'effondrer. C'est la responsable de la chaîne de télévision du groupe, Djaouida Djazaerli, qui l'a déclaré devant les 20.000 employés du géant algérien : «Pas de risque de faillite». Et pourtant. Le premier sérieux revers date du 24 février lorsque trois hauts gestionnaires de Khakifa ont été arrêtés à l'aéroport d'Alger en possession de deux millions d'euros non déclarés. «Il s'agit d'un acte isolé qui n'engage que les personnes mises en cause», ont rétorqué les responsables. Ensuite est venue l'affaire Khalifa Bank, le nerf stratégique de la société et le plus important réseau privé bancaire du pays avec 135 agences, un milliard et demi de dollars de dépôt et un million et demi de clients. Le 3 mars, elle a été confiée par la commission bancaire de la Banque d'Algérie, à un administrateur provisoire. La banque de Rafik Khalifa avait déjà été interdite, le 27 novembre 2002, de transferts de fonds de et vers l'étranger. Mesure censée répondre à «l'incompétence» et aux «irrégularités» de fonctionnement. Actif dans les domaines de la banque, des médias -Ktv et Knews émettant l'une depuis Paris, l'autre Londres- et du sport, le groupe a aussi vu sa compagnie aérienne, Khalifa Airways, clouée au sol «pour des raisons inexpliquées». Cinq de ses appareils lui ont été retirés mardi pour les remettre à leur propriétaire turc pour cessation du paiement de location. Fort d'une couverture de 80 % du transport national et d'une vingtaine de destinations internationales, la société se contente désormais d'assurer «l'essentiel». Ces derniers déboires pourraient en tout cas confirmer les nombreux soupçons qui pèsent sur le groupe. Malversations et transferts illégaux de devises auraient permis à l'empire de connaître une croissance très -trop ? - rapide. «Khalifa n'est qu'une sorte d'écran qui permet aux généraux du régime algérien de blanchir leur argent sale», avait déclaré l'an dernier Noël Mamère, député-maire (Verts) de Bègles (sud-ouest) dont le club de rugby venait de céder aux offres de sponsoring du groupe. Tout comme l'Olympique de Marseille et de nombreux clubs de football algériens. Ces accusations portées par le politique français ont largement été accréditées par les médias des deux côtés de la Méditerranée. Il y a d'abord eu le départ récent du frère du président Bouteflika -qui était conseiller juridique au sein du groupe -, un «signe avant-coureur». Puis, commentant les derniers événements, Le Matin écrivait jeudi qu'«en décidant de s'attaquer au groupe industriel algérien, Bouteflika espère salir les généraux algériens en même temps qu'il assène un sérieux avertissement aux Algériens qu'habiteraient l'idée de concurrencer les investisseurs étrangers». Alors «Khalifa nationalisé?», s'interrogeait Le Soir mardi tandis que le quotidien français Le Monde faisait déjà état, le 26 février, d'un mandat d'arrêt algérien contre son fondateur, actuellement en Grande-Bretagne, « à la suite d'un fait divers dramatique ». Une fausse promesse d'embauches massives avait récemment entraîné des émeutes à Alger.