Les relations entre les Etats-Unis et la Syrie n'ont jamais été aussi brouillées et semblent dériver de plus en plus. Les sanctions économiques votées contre la Syrie par le Congrès augurent de l'ouverture d'un nouveau front conflictuel au Proche-Orient. L'Administration Bush est la cause principale de cette détérioration des relations. L'exemple syrien confir-me que les Etats-Unis n'ont plus de stratégie régionale valable au Proche-Orient. La politique de Washington y est le reflet de sa vision du monde, dangereux, rempli de personnes de mauvaises intentions et dans lequel les Etats-Unis se doivent d'exercer leur pouvoir, unilatéralement si nécessaire, pour lutter contre « l'axe du mal » et autres « États voyous ». Il existe aujourd'hui de graves écarts entre les intérêts américains et syriens. Damas est l'un des principaux pays à avoir opposé une fin de non-recevoir à la légitimité de la présence américaine à Bagdad. Aussi, à peine l'Irak investi et contrôlé par les forces américaines, Washington a franchi un nouveau palier dans sa politique antisyrienne en adressant un coup de semonce à Damas. Non seulement il est accusé de d'accueillir des cadres du régime de Saddam Hussein en fuite, mais il doit répondre, aux yeux de l'Administration Bush, d'autres chefs d'accusation : la possession d'armes de destruction massive et le soutien d'organisations terroristes. Du déjà vu et répété…George Bush et son équipe procèdent comme ils l'ont fait avec Saddam Hussein. La rapidité et l'agressivité avec lesquelles les Etats-Unis ont agi contre la Syrie surprennent. Pour le moment, c'est un bras de fer qui s'est engagé entre les deux pays. Après les premiers échanges véhéments, après le vote des sanctions, l'heure est à une accalmie sans doute provisoire, probablement à cause de l'enlisement américain en Irak. Mais même si Washington semble avoir choisi de baisser de son agressivité à l'égard de ce pays, il n'a rien cédé apparemment sur le fond. Lâchant du lest, l'Administration Bush a cessé sa surenchère verbale qui avait amené le porte-parole de la Maison Blanche, Ari Fleischer, à se permettre de traiter la Syrie d'«Etat terroriste» et d'Etat «voyou». Mais, ce n'est qu'une accalmie. Les Américains n'ont pas renoncé pour autant à relâcher la pression sur Damas, pour l'amener à s'aligner sur leurs positions en Irak et en Palestine. Ce qui se passe avec la Syrie pousse certains analystes à se demander s'il ne s'agit pas de la part des Américains d'un plan préparé de longue date et destiné à attaquer les Etats arabes, qui refusent la mainmise de Washington et les plus virulents à l'égard d'Israël, les uns après les autres. Dans le monde arabe comme dans beaucoup de capitales du monde, les interrogations se multiplient sur les motifs de l'agressivité américaine à l'égard de Damas. Est-ce parce que la Syrie demande le retrait de l'armée israélienne des territoires arabes occupés en 1967 ? Est-ce à cause de la menace que représente pour Israël sa présence au Liban ? Ou parce que l'Administration Bush veut obliger le régime syrien à capituler face aux colons israéliens ? On a vu certains analystes américains, qui avaient soutenu idéologiquement Washington dans son invasion de l'Irak, se liguer contre la Syrie. Leurs accusations n'ont cessé de se multiplier, pour l'essentiel axées sur la soi-disant volonté de Damas d'entraver la relance du processus de paix entre Israël et l'Autorité palestinienne à travers la mise en pratique de la « feuille de route ». Ainsi, un intellectuel américain appartenant à la mouvance de la droite chrétienne conservatrice américaine de tendance sioniste n'hésite pas à écrire : « En faisant preuve de cynisme, on peut dire qu'abriter d'anciens nazis, des dirigeants terroristes et maintenant des responsables irakiens, constitue une longue tradition syrienne ». Faut-il s'attendre à une invasion de la Syrie par les Marines ? Ce pas, les analystes se refusent à le franchir. Ils estiment qu'il « n'y aura pas de guerre ouverte contre la Syrie à l'instar de celle contre l'Irak, l'Amérique ayant déjà eu recours aux sanctions économiques et diplomatiques. Pour le moment, le pétrole irakien ne coule plus dans les pipelines syriens, ce qui constitue la première étape des pressions américaines sur ce pays».