Pyongyang a tiré mardi un missile en mer du Japon, peu avant que son voisin du Sud fête la prise de fonctions de son nouveau président, Roh Moo-Hyun, en présence de Colin Powell. Hasard du calendrier ? La Corée du Nord a décidément une façon spécifique de communiquer. Elle a ajouté mardi, à sa longue liste de provocations à l'égard de l'administration Bush, un tir de missile au large de la péninsule qu'elle partage avec Séoul. Et ce, juste avant que Roh Moo-Hyun ne devienne officiellement le nouveau président sud-coréen ! «Un tir de routine» ont aussitôt assuré des responsables japonais, hantés par le précédent «test» balistique qu'avait fait la Corée du Nord en août 1998 au dessus de leur pays. Celui-ci est cependant «plutôt inoffensif» a renchéri le secrétaire d'Etat américain, «averti» de cette manœuvre, lors de la cérémonie d'investiture… Reste que l'initiative a provoqué une nouvelle mise en alerte des forces armées sud-coréennes qui vivent depuis novembre dernier au rythme des agitations du régime communiste. Car si les différentes provocations de Pyongyang entendent défier les Etats-Unis et les forcer à conclure un acte de non-agression, elles mettent aussi à l'épreuve la patience de Séoul… M. Roh, élu le 19 décembre dernier, a, malgré tout, réaffirmé mardi qu'il accorderait «la priorité à la préservation de la paix dans la péninsule» en poursuivant la politique de réconciliation avec le Nord de son prédécesseur Kim. Ce dernier, pendant un quinquennat, a en effet œuvré pour la normalisation des relations avec l'imperturbable Kim Jong-Il. Ces efforts se sont poursuivis, ces derniers mois, malgré l'annonce de la relance par Pyongyang de son programme nucléaire, l'expulsion des inspecteurs de l'AIEA et son retrait du Traité de non-prolifération (TNP) des armes de destruction massive. Cette réouverture bénéficie aussi de la volonté de Séoul de changer les bases de son alliance avec Washington. Ce que M. Roh, élu sur fond d'une montée de l'anti-américanisme dans le pays, a d'ailleurs confirmé lors de sa prise de ses fonctions. Il a également tenu à rappeler à son turbulent voisin que ses ambitions constituaient «une grave menace pour la paix mondiale». «La course à l'arme nucléaire de la Corée du Nord ne peut être tolérée», a-t-il averti, tout en assurant que Pyongyang pourrait obtenir «beaucoup des choses qu'elle souhaite» si elle renonçait à ses projets. Ces propos de M. Roh sont-ils liés aux entretiens que le dirigeant a eus avec M. Colin Powell arrivé en Corée du Sud lundi en provenance de Pékin? Le chef de la diplomatie américaine, qui semble avoir convaincu la Chine d'intervenir auprès de son allié communiste, a de son côté annoncé mardi la reprise de l'aide alimentaire américaine à la Corée du Nord, interrompue en décembre. Un geste manifestement destiné à Séoul, qui a largement critiqué la «ligne dure» choisie par l'administration Bush dans cette crise. De l'avis des observateurs, le nouveau chef d'Etat constitue d'ailleurs pour Washington un interlocuteur plus fort et plus sûr de lui. L'ex-défenseur des droits de l'Homme, âgé de 56 ans, a remporté une élection dont il n'était pas le favori en déclarant qu'il ne se prosternerait jamais devant les Etats-Unis. Cela a suscité la méfiance du puissant allié et provoqué, en conséquence, le déplacement de Colin Powell, au moment où le Conseil de sécurité de l'ONU se penchait sur l'Irak, l'un des deux autres maillons de «l'axe du mal».