Le précédent vient d'être créé : Mohammed Hassan Allawi, correspondant de l'Agence irakienne de presse à l'ONU et unique journaliste irakien sur le territoire américain, a été prié de quitter New York avant le 28 février. Même au plus fort de la guerre froide, cela ne s'était jamais vu. Depuis que l'ONU existe, bien des espions y ont rôdé avec des cartes de presse, mais jamais un journaliste accrédité n'avait été expulsé des Etats-Unis, le pays hôte. L'ordre d'expulsion a été signé par un diplomate américain aux Nations unies, Patrick Kennedy : la présence du journaliste est "de nature à causer du tort aux intérêts de la sécurité des Etats-Unis". Dans le bureau qu'il partage avec le quotidien égyptien Al-Ahram, Mohammed Allawi, 38 ans, faisait jeudi ses cartons. Il a eu du mal à mettre ses articles à la poubelle, mais il s'est résigné, et la corbeille est pleine. Allawi ne veut surtout pas faire de vagues. Pas de protestations. "Je respecte la décision américaine. Je ne veux pas faire d'escalade avec cette affaire. Je suis prêt à partir." En novembre, les autorités américaines ont annoncé avoir placé sous surveillance les Irakiens vivant aux Etats-Unis (une communauté de 300 000 personnes, dont 50 000 sont arrivées après la guerre du Golfe). Allawi était correspondant à l'ONU depuis "deux ans et deux mois". Il dit qu'on l'a choisi, pour le poste, parce qu'il parlait anglais. Son statut ne lui permettait pas de quitter New York. En deux ans, il n'est pas sorti de Manhattan, à part quelques excursions "à Brooklyn et dans le Queens". Il a cinq enfants de 8 à 16 ans, "tous dans des écoles publiques". "Je n'ai jamais ressenti la moindre discrimination ici, dit-il, ni dans les écoles ni à l'hôpital." Les enfants ont été "stupéfaits" d'apprendre qu'il partira. Mais, insiste-t-il, "ils viennent avec moi". Pour le président de l'Association des correspondants de presse, Tony Jenkins, aucune preuve n'a été fournie jusqu'à présent que Mohammed Allawi "est autre chose que ce qu'il prétend être : un journaliste au travail". "Il est peut-être un espion, mais tout cela vise surtout à créer l'impression que l'Irak représente une menace pour les Etats-Unis", estime-t-il. • D'après le journal «Le Monde»