La Chambre correctionnelle près le tribunal de première instance de Casablanca-Anfa a reporté à mardi prochain le procès de 12 jeunes passionnés de musique style Hard Rock, accusés d'appartenance aux “adorateurs de Satan“ et du propriétaire et le gérant du café où ils ont été arrêtés. Douze jeunes ont été conduits, mercredi dernier vers 18h, à la salle n°4 de la Chambre correctionnelle près le tribunal de première instance de Casablanca-Anfa. Les treizième et quatorzième accusés sont respectivement le propriétaire (de nationalité égyptienne) et le gérant du café “Chez L'Egyptien” situé au quartier Racine où la plupart d'entre eux ont été arrêtés. Leur aîné ne dépasse pas vingt-sept ans. Ils sont tous devenus, depuis dimanche dernier, des suspects. L'accusation est l'appartenance à la secte “ Les adorateurs de Satan“. « Ce n'est pas possible, proteste la mère de l'un d'entre eux, mon fils est bien éduqué et est un croyant pratiquant. Il aime la musique et ce n'est pas interdit d'aimer un style de musique… ». Certes, ils sont des jeunes passions-nés par la musique style hard Rock et black métal, comme l'expliquent leurs amis. Mais la police les accuse de l'appartenance à une secte anti-religieuse. Dans le dossier de leur audition, explique un avocat qui les soutient, les enquêteurs précisent que ces jeunes ont avoué avoir des tendances sataniques et qu'ils ont saisi chez eux des pulls sur lesquels sont dessinés, entre autres, le crucifix et des crânes en plastique d'êtres humains. «Mais, ils ne constituent pas en aucun cas des preuves pour les accuser d'appartenance au satanisme», précise-t-il. Ils sont sept étudiants, un technicien, deux employés et deux chômeurs. Leurs cheveux ne sont pas longs et quelques-uns d'entre eux ont une barbiche. Quand le président du tribunal, Me Abdelouahed Majide, a ouvert leur dossier n° 314/2003, ils ont tous avancé vers le banc des accusés à pas lents et sans hésitation. « Ils sont innocents, ce sont des musiciens de Hard Rock, ils ont animé le 25 janvier, un concert pro-palestinien à la FOL (fédération des œuvres laïque). Nous étions tous là contre la barbarie israélienne… », explique un jeune proche des suspects qui a requis l'anonymat. « Nous sommes sous le choc et nous craignons d'être arrêtés parce que nous aimons un tel style de musique », précise un autre. Alors que le propriétaire du café et le gérant sont poursuivis pour complicité, aménagement d'un lieu de débauche et séjour illégal en plus pour l'Egyptien. « Lors d'un concert de Hard Rock, tous les jeunes qui ont les cheveux longs et des boucles d'oreilles portent des effets vestimentaires noirs. C'est la culture du hard Rock et ça ne veut pas dire qu'on est des Sataniques… », précise l'un des amis des jeunes accusés. Neuf de ces derniers étaient présents lors du concert du 25 janvier en tant que musiciens, membres des groupes Nekos, Reborn et Infected Brain, explique un jeune qui a aussi requis l'anonymat et qui était présent lors du concert. Toute l'assistance de cette première audience cherchait la vérité. Sont-ils des adeptes du satanisme ? « Ils ne portent ni tatouage ni rien du tout, ils n'égorgent ni chat ni d'autres animaux, il ne boivent pas du sang. Ce sont des mensonges pour les mettre à la prison… », précise un autre jeune. Et pourtant, ils sont poursuivis, selon les dispositions des articles 59 du code de la presse et 220 du code pénal, pour détention de biens portant atteinte aux mœurs et ébranlement de la foi d'un Musulman, qui prévoient, généralement, des peines allant d'un mois à trois ans de prison. Vers 20h, le président de tribunal a reporté le procès à l'audience du mardi prochain sur demande de la défense. Les 12 jeunes ont été conduits en état d'arrestation, vers la prison Oukacha pour y passer leur première nuit, après avoir séjourné durant trois jours dans les locaux de la brigade nationale de la police judiciaire de Casablanca.