La petite bonbonne de gaz représente plus que jamais un grave danger. Quand elle ne provoque pas d'explosion, elle tue par asphyxie, mais elle fait toujours des victimes. Said El Kired a décidé de passer la fête d'Al Adha chez son oncle Fettah et sa femme Fatna qui habitent au Douar Lahraouiyine, plus connu sous le nom de chichane. Ce célèbre quartier périphérique d'habitat insalubre et anarchique dont les habitations continuent de pousser comme des champignons à coups de 5000 dh pour avoir l'autorisation de construction. Comme Fettah vivait seul avec sa femme, son neveu est venu l'aider dans l'accomplissement du dépeçage du mouton. La demeure est composée de deux chambres et des toilettes sur une superficie d'une douzaine de mètres carrés. Pas de fenêtre, juste une petite lucarne avec un toit en tôle. La journée avait bien commencé, tout s'était bien déroulé jusqu'au soir lorsque la famille a fini son dîner. Ils étaient tous les trois, chacun dans un coin, en train de discuter à la lumière d'une bonbonne de gaz dont personne n'avait remarqué la faible fuite qui en provenait. Bourrés de viande, le sommeil les a surpris. Les deux hommes et la femme se sont endormis sans savoir que ce serait un sommeil éternel. Ils ne se réveilleront jamais. Le lendemain de l'Aid, Saâdia, la sœur de Fatna, tape à la porte sans avoir de réponse. Elle n'a pas insisté sachant qu'à l'occasion de l'Aid il est de coutume de rendre visite aux différents membres de la famille et avait décidé de revenir plus tard. Vendredi, Saâdia qui n'habite pas loin, revient pour s'enquérir de sa sœur. Toujours pas de réponse. Là, elle commence à s'inquiéter et part faire une tournée chez les membres de la famille dans différents quartiers de Casablanca. Personne n'a vu Fatna ni Fettah et encore moins Said. Samedi, Saâdia revient à la charge et cette fois une odeur nauséabonde filtrait de l'habitation, elle crut que le mouton pourrissait. Elle court avertir les gendarmes qui rappliquèrent aussitôt. Un gendarme monte sur le toit, soulève une partie de la tôle pour découvrir un spectacle macabre de trois corps gonflés et sans vie : morts par asphyxie. En défonçant la porte, les gendarmes sont frappés par la forte odeur fade de la mort, mêlée à celle du gaz. La petite bonbonne avait bel et bien asphyxié les victimes. Une chance qu'elle n'ait pas explosé au milieu de ces maisonnettes de fortune car le nombre de victimes aurait pu être plus élevé. D'autant plus que les victimes sont restées trois jours avant d'être découvertes. Les dégâts surtout humains, causés par la petite bonbonne de gaz sont énormes. Un tour rapide au pavillon de chirurgie plastique et brûlés au CHU Ibn Rochd, qui souffre d'un manque effroyable de capacité d'accueil, est suffisant pour avoir une nette impression sur le danger mortel de la petite bonbonne de gaz de 3kg. Si le taux de brûlures par flamme est de 50 %, 60 % de ce même taux est causé directement par cette bonbonne. Il faut rappeler que la petite bonbonne est très utilisée par la population démunie, dans les bidonvilles et dans les campagnes en raison de son prix abordable. Elle constitue en même temps une source de lumière, de chaleur et remplace la cuisinière. Ce qui montre encore plus l'ampleur des risques, avec le taux d'ignorance, la pauvreté et l'absence de moyens de sensibilisation. Il est d'autant exclu de demander aux pauvres citoyens de se passer des services de la petite bonbonne. A qui incombe donc la responsabilité de remédier à ce danger éternellement potentiel ? Qui est-ce qui devrait revoir les mesures de sécurité et respecter les normes de fabrication des bonbonnes ? En attendant la réponse à ces questions, beaucoup d'autres drames sont à prévoir.