La bouteille de butane de gaz de 3kg est derrière un grand nombre de sinistres. Si le taux de brûlure par flammes est de 50%, 60% de ce même taux sont causés directement par la petite butane de gaz. Une source potentielle de tragédies. La nuit du lundi 6 janvier 2003 aura été la dernière pour Abdellah Lemâffer d'avoir un visage humain. Désormais cet homme, marié et père d'un bébé de 18 mois, est défiguré à jamais. Il voulait simplement avoir de la lumière et un peu de chaleur chez lui en manipulant une bonbonne de gaz. C'est à Had Soualem que l'affaire a eu lieu. Un village dont on prévoyait la prospérité vu sa nouvelle nature de zone industrielle et de point de passage sur la route reliant Casablanca à El Jadida en passant par Azemmour. Dans le secteur où habite M.Lemâffer, il n'existe pas de réseau d'électricité, ni d'eau potable. Avec le froid qui sévit dans notre pays ces derniers temps, le gaz est une énergie très prisée chez les démunis. M.Lemâffer, machiniste intérimaire dans un laboratoire pharmaceutique, souffre de problèmes de cœur. Il a subi une grande opération chirurgicale, il y a près de cinq ans. Le soir du lundi 6 janvier, il achète une petite bonbonne de gaz, et rentre chez lui pour la mettre en usage. Sachant qu'il y a toujours un risque de fuite, il a préféré sortir de chez lui le temps de régler la bonbonne et d'y installer la lampe à gaz. Comme il faisait nuit, l'homme prend une bougie dans sa main pour avoir de la lumière. A peine eut-il touché à la bille que cette dernière sauta suivi par un violent jet de gaz. La présence de la bougie fut fatale pour le pauvre Abdellah qui prendra feu comme une torche. Heureusement qu'il y avait un groupe de voisins à proximité. En voyant ce qui s'est passé, ils se sont rués sur la victime pour «l'éteindre». Le corps d'Abdellah sera sauvé, mais son visage et ses mains sont littéralement grillés. Ses amis de travail, dans un geste de solidarité, l'ont transporté le lendemain au pavillon de chirurgie plastique des brûlés au CHU Ibn Rochd. Trois jours après, il fut obligé de quitter son lit puisqu'il peut se lever et marcher, même avec un visage bandé. Surtout que le manque de capacité d'accueil dans le service des brûlés effroyable. D'autres cas plus urgents arrivent quotidiennement à ce même service et de toutes les régions du pays. Cette situation prouve que les cas de brûlure sont très fréquents. Plus de 40% des brûlures sont dues à la bouteille de butane de gaz de 3kg. Ces brûlures sont souvent familiales. L'atteinte de la face et des mains représente 60% des cas. Il y a quelques mois, au douar Khiout chaîr, région Elwalidia, un enfant dont pratiquement tous les cheveux sont calcinés, y compris les cils et les sourcils enduits de pommade, a eu la malchance de se trouver à proximité d'une bonbonne fonctionnant normalement et qui a tout à coup pris feu à cause d'une fuite, sans être manipulée. Dans ce sens, il faut rappeler que la petite bonbonne est très utilisée par la population démunie, dans les bidonvilles et dans les campagnes. Ce qui montre encore plus l'ampleur des risques, avec le taux d'ignorance et l'absence de moyens de sensibilisation. Il faut rappeler également l'énorme incendie qui a ravagé à Fès, plus de 1400 baraques laissant des dégâts considérables, à cause justement d'une simple petite bonbonne. La veille de ce sinistre, un marchand ambulant avait oublié sa bonbonne -qu'il utilisait pour éclairage- allumée ! L'étude réalisée par l'expert M.Boualem montre que dans 90 à 95% des cas, l'incendie est dû à une mauvaise utilisation de la bouteille de butane de 3 kg alors que dans 5 à 10% des cas, il s'agit d'un défaut de fabrication. Parler pour en parler ne servirait certes pas à grand-chose. Voilà un cas où le bébé a été horriblement effrayé en voyant son père «momifié», alors que quelques heures plus tôt, il était en train de lui sourire. D'autant plus que le statut temporaire de M.Lemâffer tue tout espoir de guérison, à moins que des Mouhcinines s'en chargent.