Au Centre de réforme de Oukacha, Assia El Ouadie, cette grande dame qui croit dur comme fer en la réhabilitation et la réinsertion des détenus, a offert une petite fête aux enfants des détenus. Au Centre de réforme de Oukacha, la Achoura a été fêtée au profit des petits ignorés et marginalisés appartenant au monde de la détention. En se dirigeant vers la salle qui devait accueillir cette célébration, on remarquait que des portails s'ouvraient puis se refermaient juste après. Normal, puisqu'on rentre dans les enceintes d'emprisonnement. Chaque issue fermée derrière soi accentue un sentiment bizarre où asphyxie et intimidation se mélangent. A la grande salle, une odeur de moisissure et de gâteux attend le petit monde qui a daigné répondre à l'invitation de Assia El Ouadie, conseillère à la Cour suprême, détachée à la direction de l'administration pénitentiaire et de la réinsertion. Avec les faibles moyens octroyés par certains bienfaiteurs, cette grande dame qui croit dur comme fer en la réhabilitation et la réinsertion des détenus, a offert une petite fête à l'occasion de la Achoura. De la musique, des clowns, des cadeaux empilés, une grande table où sucreries, limonades et pâtisseries envahissaient une longue table disposée au milieu de la salle. Un plafond très haut rappelle l'architecture coloniale et justifie la vétusté des lieux. La grande salle, avec sa modeste décoration, ressemble plus à une cour de récréation d'une école privée à l'occasion des fêtes de fin d'année. Ceci n'a pas affecté le bonheur sincère des enfants qui regardaient avec admiration et convoitise les gâteries et les bouteilles de limonades. Un poste de télévision grand écran plat trônait en haut. Il portait l'inscription «Ceci est le cadeau offert à l'occasion de la visite royale en 2001». Les enfants ont été installés d'un côté et les adultes de l'autre. Assia El Ouadie allait et revenait sans cesse pour accueillir ses invités adultes et enlacer les petits d'entre eux avec une tendresse non feinte. La fête est le cadeau de Assia El Ouadie pour aussi bien les enfants des fonctionnaires du centre de détention de Oukacha que les enfants en bas âge des femmes détenues en plus les gamins du Centre Abdesslam Bennani. Au commencement des spectacles, les femmes détenues se sont senties soulagées en se débarrassant du regard trop curieux de quelques invités. Leurs bébés entre les bras, elles essayaient tant bien que mal de gérer une situation relativement nouvelle pour elles : le geste bienfaiteur à la place de l'ignorance et de la cruauté. Les rangs des enfants étaient les plus agités. Tantôt ce sont des applaudissements, tantôt les cris en réponse aux questions des clowns et tantôt ce sont les chants d'accompagnement. Quant aux enfants des fonctionnaires, ils se distinguaient par une sagesse forcée. « Nous avons organisé cette petite fête au profit aussi bien des enfants de nos fonctionnaires que ceux des mères détenues ainsi que ceux du Centre Abdesslam Bennani. Les fonctionnaires de l'administration pénitentiaire ont besoin de reconnaissance au même titre que les détenus », explique Assia El Ouadie. Quelques représentants d'associations caritatives étaient là à applaudir cette chaleureuse initiative de la conseillère à la Cour suprême. Cette initiative qui n'est pas la première du genre dans le palmarès de Assia El Ouadie, est l'exemple parfait de ces gestes petits par le coût et grands par leur signification. La réinsertion sociale des détenus n'est pas un projet qui fait l'unanimité. Plusieurs sont ceux qui continuent à croire que les détenus sont « les déchets de la société ». Ces fatalistes sont convaincus qu'un détenu ne peut aucunement avoir un apport positif à la société. Toutefois, personne ne peut nier qu'une main bienfaitrice tendue à des marginaux, tels les détenus surtout quand ils sont jeunes, a des chances de changer leur triste destin. Par ces temps où la charité humaine est galvaudée et utilisée comme un moyen pour arriver à des fins inavouables, l'engagement sincère et désintéressé de Assia El Ouadie et coéquipiers ne peut qu'être applaudi et encouragé.