Entretien avec Anas El Baz, acteur marocain ALM : Vous interprétez le rôle de policier dans le film «Taxi Bied». Comment vous êtes-vous préparé à cette expérience? Anas El Baz : J'ai préparé le rôle en travaillant déjà sur la lecture du scénario plusieurs fois avec le réalisateur Moncef Malzi. Par la suite, quand je me suis aperçu du genre de personnage de policier que je devais jouer, j'ai essayé de me rapprocher de mes chers amis qui sont des commissaires à Rabat et qui sont de mon âge. D'ailleurs, c'est un peu ma technique. A chaque fois que je joue un personnage, j'essaie de le trouver dans mon entourage. Cela peut être, par exemple, un cousin ou un ami. C'est très important que cela soit quelqu'un que je fréquente. Aussi, pendant tout le film j'essaie de garder un jeu linéaire, c'est-à-dire la même personne. Vous jouez pour un réalisateur qui est à son 1er film. Est-ce un risque que vous avez préféré prendre? En fait, je n'ai pas pris la chose de cette manière. Ce qui m'importe, ce n'est pas tellement l'expérience ou le nombre d'années passées à tourner. Mais plutôt la préparation et le temps pris pour concevoir un film. Je savais que c'était un projet qui a été fait méticuleusement. Déjà, à l'écriture, il y a eu une équipe formée de plusieurs acteurs de l'Isadac outre Moncef et Mohcine Malzi. Cela est plus important pour moi que cela soit un scénario bien écrit. Je savais qu'il y avait un brainstorming et qu'ils étaient en train d'écrire un très bon texte. A la lecture, j'ai beaucoup aimé. Pour ce qui est du réalisateur, je sais qu'il a beaucoup d'expérience bien qu'il soit à son premier film. Il a déjà fait des courts-métrages et travaillé dans des clips et ceux institutionnels. Ce qui est également intéressant chez le réalisateur, c'est qu'avant d'avoir fait l'Ecole supérieure des arts visuels de Marrakech (ESAV) pour devenir réalisateur, il avait fait l'Isadac. Donc il est passé par la case acteur qu'il voulait d'ailleurs devenir. C'est pourquoi il maîtrise la direction d'acteur. Il sait ainsi se mettre à la place des acteurs. Il explique à l'acteur par où commencer et où finir la séquence. Je pense que je ne suis pas le seul lui avoir fait confiance pour «Taxi Bied». Il y a aussi Mohamed Khiari, par exemple, qui a quand même beaucoup d'années d'expérience. D'autant plus que nous ne sommes pas dans ce genre de configuration. Nous ne sommes pas à Hollywood, mais au Maroc. Il n'y a pas des milliers de films et de propositions. Ce que nous pouvons faire, par contre, c'est choisir les rôles que nous aimons et qui sont faisables. Alors quel serait le rôle que vous ne pourrez pas jouer ? La ligne rouge pour moi c'est que je n'accepte pas un rôle qui touche à ma culture ou à mon identité. Par exemple, jouer le personnage d'un terroriste ou celui qui va montrer le Marocain ou les musulmans dans une mauvaise image que je n'ai pas envie de donner. C'est la seule chose qui peut ne pas me plaire. Sinon, si l'on me demande de jouer un gamin des rues, cela ne me dérange pas. Quand il y a un rôle il faut le jouer vraiment. Par exemple, lorsque j'ai interprété le personnage d'Abdellatif Laâbi, il y avait des séquences de torture, il fallait les jouer. En cinéma, si je choisis d'être acteur, c'est pour faire plusieurs métiers en même temps. Nous pouvons jouer un professeur ou docteur. C'est un métier qui englobe toutes les professions. Pour l'heure, les propositions qu'on me fait sont de plus en plus riches. J'aime varier le jeu en passant par la comédie, le drame et les histoires d'amour. Pour revenir au film, est-ce que le lien de fraternité entre le réalisateur et l'acteur Mohcine Malzi a également fait que vous acceptiez d'y jouer? Il y a quelque chose avec Mohcine mais qui n'a rien à voir avec Moncef le réalisateur. Déjà, j'ai découvert Mohcine dans les films de Fawzi Bensaidi et j'ai trouvé qu'il est un très bon acteur. Il me tardait vraiment de jouer avec lui et Saïd Bey ainsi que plein d'acteurs du genre. J'adore jouer avec les bons acteurs. Mohcine en fait partie. Par exemple, le jour où j'ai joué avec Saadia Ladib dans «Pégase», c'est l'une de mes meilleures séquences que je n'oublierai jamais. Quand un acteur prend de son âme et cœur en donnant un produit sans jugement et une part de lui, cela fait vraiment une grande différence. En fait, nous jouons comme si c'était la dernière fois avant de mourir. C'est très important. Il ne faut pas rigoler. Nous travaillons pour faire quelque chose de bien et de beau. C'est pour cela que je pense que Mohcine Malzi fait partie de ces acteurs. C'est quelqu'un de très talentueux. C'était un honneur de travailler avec lui. Aussi l'échange de jeu qu'il y a eu entre nous est magnifique. J'ai beaucoup aimé. Quant à la fraternité cela ne se sent pas beaucoup. Mohcine est le frère de Moncef certes, mais pendant le travail cela n'est pas du tout perceptible. Ce n'est pas un binôme complètement collé. Les deux sont très professionnels. Chacun fait son travail. Mohcine reste l'acteur et Moncef demeure le réalisateur. Il n'y a pas de quiproquo dans ce sens. C'était aussi un réel plaisir de travailler avec eux. Au-delà de «Taxi Bied», auriez-vous des projets ? Je joue dans un film qui s'appelle «Le Saint inconnu» d'Alae Eddine El Jem, qui est un grand réalisateur talentueux. C'est un film du genre western. Je n'en dirai pas plus pour ne pas gâcher le charme de la surprise. Ce sera en tout cas un très bon film. Je pense qu'il aura une vue internationale. J'y ai interprété le rôle du médecin affecté dans une zone lointaine et qui pense qu'il y restera deux ou trois ans pour s'y retrouver à vie. Je me produis avec Younes Bouab et Hassan Badida entre autres. Il y a aussi une série prévue éventuellement pour le Ramadan. Elle s'appelle «Hayna» qui raconte l'histoire d'une jeune domestique interprétée par Zineb Oubeid et moi j'incarne le rôle du fils de la famille bourgeoise qui est amoureux de cette fille alors que ses parents ne veulent pas de cette relation. Je travaille aussi sur un petit rôle avec les Américains dans «Homeland» dont le tournage se déroule au Maroc. Comment, à votre avis, le secteur cinématographique peut-il surmonter la prédominance d'Internet? Malheureusement il y a un réel problème puisqu'il y a moins de salles et de fréquentation. Maintenant, nous avons quand bien même l'avantage d'avoir des images qu'il importe de produire dans le pays, voire de les exporter. Cela fait de nous un pays avec un côté riche culturellement et c'est un plaisir de faire partie de ce paysage culturel. Le problème aussi c'est tout ce qui est Internet et Netflix entre autres. Je ne suis pas le mieux placé pour en parler mais j'espère vraiment qu'il y aura une industrie différente. Pourquoi ne pas commencer à faire des séries à la Netflix au Maroc par exemple. Cela prend un peu de temps mais je pense que cela commence déjà, avec les réseaux sociaux, à bouger. En tout cas, j'espère le mieux pour le cinéma marocain.