Après cinq tentatives, vaines, d'audience auprès du Premier ministre, les minotiers ont fini par lui envoyer une lettre ouverte. Ils y réclament le parachèvement de la libéralisation de leur secteur, ou tout au moins de trouver une solution à leurs maux. Le secteur du blé, ou plutôt le «dossier du blé» est toujours en suspens. Les opérateurs de cette filière réclament une rencontre avec le Premier ministre en vue de trouver une solution à la crise qui mine leur activité. Ils viennent, par la voie de la Fédération nationale de la minoterie (FNM), de lui envoyer une lettre ouverte, dans laquelle ils lui font part de plusieurs dysfonctionnements. L'affaire des minotiers n'est pas simple et plusieurs problèmes subsistent, tandis que d'autres se profilent à l'horizon du moyen terme. Au cœur des revendications, la libéralisation de la filière céréalière enclenchée au milieu des années 90. Une libéralisation partielle, mais qui devait s'accompagner d'un processus progressif de parachèvement. Selon la FNM, ce processus devait démarrer, puisqu'un dossier est déjà ficelé depuis mai 2004. Cette date est celle d'une réunion qui s'est tenue sous la présidence des ministres de l'Agriculture et des Affaires générales, et au sortir de laquelle il en a été décidé ainsi (processus progressif du parachèvement de la libéralisation). Un processus qui devait s'étaler du premier juillet 2004 (date de son entrée en application) jusqu'au premier du même mois en 2006. Sauf qu'il n'a finalement rien été de tout cela, ce qui a entraîné un «manque de visibilité», dit la FNM dans la lettre ouverte adressée à la Primature, «qui a fini par jeter le discrédit sur les engagements des pouvoirs publics et mettre dans le désarroi le professionnels». En outre, le système de subvention actuel est de plus en plus contesté par les minotiers. Selon eux, ce système est à la fois trop coûteux (2 milliards de Dhs par an), parfois contourné et ne bénéficiant pas totalement aux petits minotiers. Si actuellement, les gros industriels profitent pleinement de l'augmentation de la consommation en pâtes et autres céréales, les petits producteurs, qui restent vulnérables et peu préparés à la concurrence. Car il faut savoir qu'au moment où différents accords de libre-échange avec des pays arabes (Syrie, Emirats Arabes Unis) prévoient un démantèlement douanier total (0%) sur les céréales et produits dérivés, les producteurs nationaux, eux, continuent à payer 95% de droits de douane sur le blé dur et 100% sur le blé tendre. Injuste ! C'est là, d'ailleurs, un autre point qui fâche les minotiers et qui figure dans leurs contestations, ou plus exactement ce qu'ils appellent des dysfonctionnement du système actuel. Dans le même ordre d'idées, les minotiers pointent du doigt le marché parallèle de la contrebande. En effet, farine et autres produits céréaliers pénètrent illégalement le marché national en provenance du Nord et de l'Est du pays. Au demeurant, les minotiers sont fatigués des accusations récurrentes et de la suspicion qui est entretenue autour de leur profession (certains d'entre eux ont été accusés de fraudes il y a quelques temps déjà). Et leur fronde se justifie pleinement et à plusieurs égards. Ceci d'autant plus qu'il s'agit d'un secteur clé de l'économie marocaine. Faut-il rappeler que la filière céréalière fait vivre directement ou indirectement près de 60% de la population marocaine et qu'elle représente plus de 50% de l'industrie agroalimentaire du Royaume ? Plus que jamais, le gouvernement marocain devrait enfin se pencher sur le dossier assez délicat des minotiers. Il y va de la survie de tout un secteur, déjà suffisamment plombé par de nombreux problèmes.