La réforme de la loi 24-96, la relance d'un nouvel appel d'offres pour la 2ème licence de téléphonie fixe, tels sont les chantiers sur lesquels le ministre de l'Industrie, du Commerce et des télécoms, Rachid Talbi Alami, parie pour redynamiser le processus de la libéralisation. Les détails. ALM : L'Association des professionnels des technologies de l'information a envoyé récemment une lettre au Premier ministre où elle interpelle le gouvernement en vue de relancer le processus de la libéralisation. Qu'est-ce que vous en pensez du contenu de cette lettre? Rachid Talbi Alami : D'emblée, il faut dissiper une ambiguïté. La libéralisation des télécoms est un choix stratégique du gouvernement et figure parmi les enseignements pris envers l'OMC. De ce fait, pas question de revenir en arrière. On ne peut pas parler d'échec de la libéralisation parce que déjà l'expérience de l'ouverture de la téléphonie mobile a donné ses fruits. A l'instar du GSM, le gouvernement attache une importance stratégique à la deuxième licence du fixe. D'ailleurs, avant la fin de l'année 2003, nous allons lancer un second appel d'offres pour ladite licence sans pour autant la brader puisqu'il s'agit d'un patrimoine national financé par l'argent du contribuable. Quant à l'échec du premier appel d'offres, je constate que les professionnels veulent coller cet échec à Maroc Telecom. Je ne sais pas d'ailleurs pour quelle raison. Pour nous, IAM est un opérateur privé comme Méditel même si l'Etat est actionnaire majoritaire. C'est aussi un opérateur important dans la mesure où il emploie 14000 personnes. Dans ce cas, comment expliquez-vous l'échec de l'appel d'offres en novembre 2002 ? Je pense que ce résultat est dû à la conjugaison de facteurs endogènes et exogènes. Ainsi au niveau international, il est clair que la crise financière que traverse la quasi-totalité des opérateurs télécoms ne rend pas propice l'octroi d'une licence fixe. Il faut noter que la valeur boursière des sociétés télécoms a chuté en moyenne de 50%. Cependant, quelques signes de reprises commencent à apparaître. Au niveau national, nous pouvons relever certains facteurs qui ont contribué, quoique dans un niveau moindre, au non octroi de la 2ème licence fixe. En effet, le cadre réglementaire de la loi 24-96 ne permet pas l'utilisation des infrastructures alternatives. De ce fait, les opérateurs sont obligés indirectement à consentir de gros investissements au niveau d'infrastructure pour déployer leurs propres réseaux : fibre optique, équipements actifs, locaux et énergie … D'un autre côté, les sanctions prévues par la loi 24-96 sont exagérées, puisqu'en cas d'infraction, l'ANRT peut retirer la licence à l'opérateur fautif. C'est justement la non-adoption par le gouvernement des réformes préparées fin 2001 de la loi 24-96 qui explique cet échec et conforte la position des professionnels qui plaident pour la mise à jour rapide du cadre réglementaire régissant les télécoms? On ne peut pas lancer un second appel d'offres sans adopter cette réforme de la loi. Sur ce point, il n'y a pas de divergences. D'ailleurs, ce chantier juridique sera bouclé avant fin 2003 et avant même tout appel d'offres. C'est le préalable indispensable pour réactiver le processus de libéralisation. A titre indicatif, la réforme prévoit la gradation des sanctions envers les opérateurs, ce qui permettra à l'ANRT de disposer d'outils juridiques pour trancher les conflits. Ce projet comprend aussi des dispositions sur les infrastructures alternatives. Plusieurs institutions marocaines telles que l'ONCF, l'ONE et les Autoroutes du Maroc disposent pour leurs propres besoins internes de réseaux en fibre optique. Or, ces organismes ont des capacités excédentaires qu'ils pourront avantageusement louer à des opérateurs de téléphonie fixe. A la lumière de ces modifications à caractère réglementaire, le Conseil d'administration de l'ANRT sous la présidence du Premier ministre, sera appelé à se réunir pour dresser le bilan de l'échec de l'appel d'offres de novembre 2002 et à partir de là, définir un calendrier et une stratégie pour l'octroi de la 2ème licence fixe en 2003. Qu'en est-il de la réforme du statut de Barid Al Maghrib en une société anonyme ? La Poste, qui a toujours été un moyen de communication au service du développement économique et social, se trouve aujourd'hui menacée par des mutations commerciales et technologiques, dans un marché où le monopole ne constitue pas une protection. Devant ces menaces, elle est appelée à se défendre dans un marché concurrentiel et aussi assurer aux citoyens un service postal de qualité et à des prix abordables sur l'ensemble du Royaume. Pour relever ces défis, la réforme du secteur postal tend, sur la base de recommandations de l'étude stratégique réalisée à cet effet, à introduire une libéralisation progressive des services postaux et à renforcer les capacités concurrentielles de l'opérateur public. Concrètement, deux projets de loi sont en cours de finalisation. Le premier a pour objet la transformation de Barid Al-Maghrib en société anonyme. Le second projet est dédié à la libéralisation des services postaux. Il porte sur la définition du service universel et les modalités de son financement, les régimes juridiques et les conditions de fourniture des services ouverts à la concurrence ainsi que l'exercice des missions de la régulation postale. Ce chantier relatif au secteur postal sera bouclé également en 2003. Sur un autre registre, le Septi travaillait auparavant sur la réforme du statut de l'Institut national de la poste et des télécoms. Cet institut sera-t-il rattaché à l'ANRT ou au département de l'Enseignement supérieur ? Ma position sur cette question est tranchée. L'INPT restera toujours sous la houlette de l'ANRT. Si on applique à aux enseignants de cet Institut le statut de l'enseignement supérieur, ils seront lésés notamment sur le plan financier compte tenu de leur statut particulier. Pour moi, le projet de séparation tel qu'il a été prévu par le Septi n'est plus valable. Plusieurs professionnels estiment que la suppression du secrétariat d'Etat à la Poste et aux Technologies de l'information dans le gouvernement Jettou risque d'influencer négativement le traitement du dossier des TIC dans la stratégie du développement du Maroc? En toute franchise, il s'agit d'un faux débat. Le rattachement du secteur des technologies de l'information au ministère de l'Industrie et du Commerce lui permettra de bénéficier d'un effet de synergie comme c'est le cas dans d'autres pays au monde. En plus, le secteur des technologies de l'information va profiter des mécanismes et des financements prévus pour la mise à niveau des PME/PMI opérant dans ce segment d'activité.