Malgré les taux d'intérêt relativement élevés pratiqués par les associations de microcrédits, la microfinance est une sorte de bouée de sauvetage pour les personnes démunies ignorées par les banques. Jusque-là, les personnes ayant des revenus faibles ou irréguliers n'arrivaient pas à bénéficier de crédits si ce n'est de dettes vis-à-vis des usuriers. Les microcrédits ont émergé, suite à la loi sur la microfinance du 1999. Ils se sont développés grâce à l'appui de l'Etat, notamment au travers d'un soutien financier du fonds Hassan II. Actuellement, l'expérience marocaine dans le domaine est considérée comme une référence parmi les pays du pourtour méditerranéen, puisque la moitié des bénéficiaires de la microfinance dans cette région se trouve au Maroc À l'occasion de la cérémonie du lancement au Maroc de l'Année internationale du microcrédit, le Premier ministre a annoncé que « les 12 associations du microcrédit agréées ont réalisé depuis leur création plus de 2 millions de prêts totalisant 5,5 milliards de DH ». Ces associations servent plus de 450 mille clients actifs, dont les trois quarts sont des femmes. Ces clients totalisent un montant global de crédit de près de 900 millions de DH. Le taux de remboursement est pratiquement 100%. Plus important, c'est que le secteur est à l'origine de la création de près de 2.000 emplois directs permanents et de quelques milliers d'emplois indirects. Lakhal Fatima est une de ces femmes courageuses qui ont saisi les opportunités qu'offre le microcrédit. C'est une mère de trois enfants qui a à sa charge, comme plusieurs femmes des milieux défavorisés, une dizaine de personnes, dont son mari. Cette femme a commencé par la vente des produits de Nador à Souk Lazaret, puis les olives dans un souk et enfin l'achat et l'élevage de moutons. Depuis janvier 1999 (date de son premier prêt) jusqu'à présent, elle a reçu 8 prêts octroyés par l'association Al Karama dans le cadre du crédit solidaire et deux crédits individuels de 10 000 DH chacun. Actuellement son capital s'élève à 140 000 DH et son cheptel à 150 têtes. Dans son élan de développement et grâce à son dernier prêt, elle a acheté un lot de terrain pour construire une étable. Ce sont des milliers de femmes combattantes comme Fatima qui sont arrivées à couper le cordon ombilical avec la misère qui les a écrasées pendant toute leur vie d'avant. C'est le cas aussi de Samira Hajhouj, 30 ans et mère de trois enfants. Elle tricotait des pulls en laine à sa cadence. Grâce à un premier prêt de Al Karama, elle a pu augmenter sa production et donc ses revenus. A l'aide d'un second prêt, elle a même pu ouvrir une boutique. Du côté des prêteurs, d'après une étude d'impact réalisée par l'ONG «Planet Finance», à la demande de la Fédération nationale des Associations de Microcrédit (FNAM), le taux d'analphabétisme parmi les bénéficiaires de la microfinance s'élève à 45 %. Cette étude financée par l'ONG en collaboration avec la BMCE-Bank et la CDG (Caisse de Dépôt et de Gestion) a porté sur un échantillon de 1.287 personnes. D'après cette étude, qui a été présentée mardi à Rabat, un microcrédit de 1.000 DH dégage un bénéfice de 6%. Ce qui est remarquable, c'est que l'activité de la microfinance dans sa forme actuelle contribue rarement à la création d'une nouvelle activité. Ceci peut s'expliquer par l'analphabétisme et le manque d'innovation chez bénéficiaires, ainsi qu'au manque d'orientation de la part prêteurs. Ce qui se dégage aussi de cette étude c'est que les personnes interrogées se sont déclarées « relativement très satisfaites » des conditions d'accès au crédit et de la période de remboursement, mais elles sont « relativement moins satisfaites » des échéances de remboursement, du montant des crédits et de la garantie. Ceci étant, les résultats de la microfinance au Maroc demeurent pour l'ensemble positifs. Dans ce sens, Rida Lamrini, président de la FNAM (Fédération nationale des associations de micro crédit), fixe un objectif:«Le financement de 700 mille clients supplémentaires à moyen terme ». Pour ce dernier, c'est une des conditions sine qua non pour assurer la pérennité de la microfinance et lui permettre de servir davantage de démunis. Voilà pour une fois une activité qui concilie parfaitement le luctratif et l'humanitaire !