Après le discours équivoque du président Gbagbo lundi soir, plusieurs responsables politiques et militaires ivoiriens ont remis en cause la présence des rebelles dans le futur Exécutif. Malgré les engagements pris à Paris. Mercredi, c'était au tour de l'ancien président Henri Konan Bédié de critiquer l'attribution de deux ministères aux rebelles du Mouvement patriotique de Côte d'Ivoire. Exilé en France depuis le coup d'Etat de décembre 1999, M. Konan Bédié avait pourtant conduit la délégation du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI) à Marcoussis. Comme les autres, il avait approuvé vendredi dernier les accords issus de dix jours de table ronde. Dans l'entretien qu'il a accordé au journal français le Parisien, il a d'ailleurs souligné mercredi que ce plan comportait des «accords pertinents» pour «retrouver la paix en Côte d'Ivoire». Mais que «l'attribution aux rebelles des postes de la Défense et de l'Intérieur pose problème». Comment l'ancien chef d'Etat peut-il aujourd'hui dénoncer un texte qu'il a lui-même signé ? «H.K.B.» a expliqué que la répartition des ministères dans le nouveau gouvernement d'Union nationale, avait été décidée «au niveau des grandes puissances», autrement dit en premier lieu la France, initiatrice de la table ronde inter-ivoirienne... Si pour certains, la présence du MPCI, auteur du soulèvement du 19 septembre, à ces deux postes-clés paraît incompréhensible, d'autres, comme les FANCI, ont catégoriquement dénié tout droit aux rebelles d'être présents dans le nouvel exécutif. C'est ce qu'ils ont fait savoir mardi par le biais d'une lettre envoyée au président Gbagbo. «L'accord de Linas-Marcoussis, plutôt que de concourir à la recherche de la paix, porte en lui les germes d'une implosion nationale», y écrivait l'armée. Les FANCI «refusent avec énergie la présence de rebelles au sein du futur gouvernement, le regroupement, le cantonnement, le désarmement et la démobilisation des forces nationales de défense et de sécurité». Le même jour, le ministre de l'Intérieur et de la décentralisation a dénoncé depuis Lomé, au Togo, les accords signés en France. Envoyé par son président Paul Yao N'Dré a même demandé au chef d'Etat togolais Gnassingbé Eyadéma « d'intercéder auprès de Paris pour trouver des solutions idoines à la crise ivoirienne». «Il s'agit là ni plus ni moins d'un coup d'Etat constitutionnel et on fait une prime à la rébellion, ce que n'admet pas d'une part le peuple de Côte d'Ivoire et d'autre part ce que n'acceptent pas les force armées nationales de Côte d'Ivoire», a-t-il alors affirmé. Que va-t-il advenir de la paix ? Le discours tant attendu du chef d'Etat ivoirien était prévu mercredi soir, Laurent Gbagbo ayant souhaité s'entretenir auparavant avec les responsables politiques et militaires du pays. Va-t-il chercher l'apaisement et «respecter ses engagements» comme réclamé par Paris? Ou, conforté par l'opposition de la rue, celle de l'armée et de plusieurs leaders politiques, allait-il balayer d'un coup les accords de Paris ? Après le président Chirac, le secrétaire général de l'ONU a exhorté mardi soir toutes les parties à appliquer l'accord, et annoncé l'envoi d'un émissaire pour «faciliter son application». La France, critiquée de toutes parts, s'est, quant à elle, déclarée prête mercredi à évacuer ses ressortissants «à tout moment». Des mesures d'urgence ont déjà été mises en œuvre mardi à Abidjan même si le calme semblait y être revenu tout comme un peu plus au nord, à Agboville, où les affrontements inter-ethniques ont fait depuis lundi une dizaine de morts.