De nouvelles manifestations contre l'accord de Marcoussis et l'« ingérence » française ont eu lieu mardi à Abidjan. La veille, devant ses partisans, le président Gbagbo s'était clairement démarqué du plan de paix. Mardi, au quatrième jour des manifestations, quelque 1.500 «jeunes patriotes» ont encore défilé dans les rues d'Abidjan et devant l'ambassade américaine en Côte d'Ivoire. Leur intention : demander de l'aide aux Etats-Unis pour leur «pays en danger, mis à genoux par la France». Cette dernière continuait d'ailleurs de subir la colère de ces jeunes Ivoiriens qui se sont encore regroupés par centaines devant sa représentation diplomatique, où un hélicoptère militaire français a dû déposer des renforts. La situation était par contre calme devant la base française du 43ème Bataillon d'infanterie de marine, selon son porte-parole, le lieutenant-colonel Ange-Antoine Leccia. Cette base est «assiégée» depuis samedi par les partisans de Laurent Gbagbo qui contraignent les soldats français à user de gaz lacrymogènes et de grenades assourdissantes pour les empêcher de se rapprocher des grilles. Paris est accusé d'avoir imposé au président ivoirien l'accord de Marcoussis qui prévoit l'entrée des rebelles dans le nouveau gouvernement d'Union nationale. Le Mouvement patriotique de Côte d'Ivoire, auteur du soulèvement du 19 septembre 2002, doit en effet hériter de deux postes ministériels stratégiques : l'Intérieur et la Défense. Outre cette opposition violente à Abidjan, des scènes de pillages ont aussi été signalées dans le reste du pays, notamment à Agboville, à 80 km plus au nord de la capitale économique. Des incidents armés entre Chrétiens et Musulmans y ont éclaté dès lundi, et des églises et des mosquées ont été incendiées. Ces violences, provoquées par le passage d'étudiants pro-Gbagbo dans un quartier habité par des Dioulas, originaires du Nord musulman, illustrent en tout cas la menace réelle d'embrasement qui pèse sur la Côte d'Ivoire. Un risque que la presse proche du pouvoir participe d'ailleurs à augmenter en s'en prenant de façon virulente à ces accords et leur initiatrice, la France. Plusieurs journaux ont ainsi accusé mardi Paris d'avoir «vendu» leur pays à Alassane «Ouattara et ses rebelles». «Echec total ! Les accord de Marcoussis sont inapplicables», titrait notamment Notre Voie, organe du parti présidentiel FPI. Cette presse, celle-là même qui a incité les Ivoiriens à traquer les immigrés – surtout burkinabés -, en a appelé à la «résistance». Sommé par Paris d'«expliquer» l'accord pour apaiser la situation, le président ivoirien s'est quant à lui contenté lundi de qualifier son contenu de simples «propositions». Pire, il a remis en cause les points prévoyant des modifications constitutionnelles, notamment sur l'éligibilité du président et la nationalité, arguant que pour cela «un référendum était nécessaire». Devant des milliers de «jeunes patriotes » rassemblés dans l'enceinte de son palais, Laurent Gbagbo aurait-il tombé le masque? N'a-t-il pas implicitement conforté ces «extrémistes» - terme employé par le Quai d'Orsay – dans leur action, en leur assurant qu'il n'allait pas les «trahir» ? La «spontanéité» des récentes émeutes visant des bâtiments français mais aussi burkinabés, a largement été remise en cause par les médias occidentaux. Ses auteurs ne se sont d'ailleurs calmés que lorsque Laurent Gbagbo le leur a demandé dimanche. Le président est-il en train de tester la mobilisation de ses partisans pour contrecarrer les accords de Marcoussis ? Ces derniers devaient être présentés mardi par le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, devant le Conseil de sécurité.