L'affaire du «poison mortel» en Grande-Bretagne et celle du «bagagiste» en France ont relancé la crainte d'attentats en Europe. La CIA est d'ailleurs certaine qu'Al-Qaïda peut encore frapper. La récente découverte de traces de ricine – poison issu des graines de la plante appelée ricin – dans un appartement du nord de Londres a une nouvelle fois secoué la capitale britannique, déjà cible présumée d'un attentat au cyanure – selon le Sunday Times - dans son métro, déjoué en novembre dernier. Cette substance peut en effet, de l'avis des analystes, être utilisée comme arme biologique. Car si le ricin produit une huile laxative, une graine de la toxine qu'il contient suffirait, selon les scientifiques, à tuer un enfant ! La ricine a d'ailleurs déjà servi comme arme mortelle, notamment sous l'ère soviétique. Les Américains et les Britanniques ont aussi tenté d'en faire une bombe pendant la Seconde guerre mondiale. Mardi, les six hommes d'«origine nord-africaine» impliqués dans cette découverte, et arrêtés dimanche dernier, ont été entendus par la section antiterroriste de Scotland Yard. Une femme, elle aussi interpellée dimanche, a quant à elle été relâchée tandis que la police britannique annonçait avoir mené une seconde opération dans l'Est de la capitale, sans donner plus de détails. Car l'affaire est sérieuse. Le premier ministre Tony Blair a lui-même estimé mardi que la saisie de ricine et les arrestations qui l'ont suivie représentaient «un danger d'actes terroristes présent et réel». Et le chef du gouvernement d'ajouter que la menace terroriste est liée aux pays « instables et dictatoriaux» auprès desquels les groupes terroristes peuvent se procurer des armes... L'année dernière, des médias avaient pour leur part indiqué qu'Al-Qaïda avait cherché à utiliser cette toxine, au vu de découvertes opérées en Afghanistan. Mardi, un rapport publié par la CIA a confirmé la thèse que le réseau voulait se doter d'armes biologiques. Selon l'agence de renseignement américaine, des traces de bacille du charbon ont même été découvertes dans des laboratoires afghans. «Les documents et les équipements trouvés dans les structures d'Al-Qaïda en Afghanistan prouvent que le programme de développement d'armes biologiques de Ben Laden est bien plus sophistiqué que nous le pensions», a indiqué le rapport. La Grande-Bretagne, pays le plus engagé dans les campagnes politico-militaires américaines, est-elle réellement menacée ? Cette crainte permanente ne mène-t-elle pas à une certaine paranoïa sécuritaire ? Le cas du «bagagiste» de l'aéroport parisien de Roissy, arrêté fin décembre, suscite ces mêmes interrogations en France. Abdelrazak Besseghir a été mis en examen et écroué le 1er janvier après que des armes et explosifs aient été découverts dans sa voiture. Depuis, le prévenu clame son innocence, estimant avoir été victime d'un coup monté par sa belle-famille. Laquelle aurait ainsi voulu se venger de la mort de l'épouse de Besseghir au cours de l'été 2002. Mardi, ce dernier a déposé une demande de remise en liberté, chose très rare au début des enquêtes terroristes. Lui et son oncle, un Algérien de 43 ans, ont été mis en examen pour «association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste». Un lien entre ces deux hommes, inconnus des services de police, et un quelconque milieu islamiste – auquel ils ne semblent pas avoir appartenu – paraît cependant cette fois-ci difficile à établir pour des enquêteurs qui n'ont pas cessé de multiplier les coups de filets dans les milieux islamistes français, surtout parisiens, au cours des deux derniers mois.