Président-fondateur du Mouvement économique du Maroc (Medum) qui attend toujours l'obtention du récépissé de dépôt auprès des autorités locales de Casablanca, Mourad Belmaâchi juge le projet du budget 2003 de son point de vue d'opérateur économique. ALM : quelle appréciation faîtes-vous du budget 2003 actuellement en discussion au sein des commissions parlementaires ? Mourad Belmaâchi : C'est un budget qui n'apporte pas de nouveau. Identique en plusieurs points aux budgets précédents. On peut expliquer cela par le fait que l'État marocain n'a pas assez de ressources financières. Mais force est de constater que le Maroc tarde à emprunter le bon chemin pour assurer un développement cohérent et durable que tout le monde appelle de ses vœux. Nombre de rapports établis par les institutions financières internationales pointent la faiblesse d'industrialisation du pays. D'ailleurs, il semble que la Banque Mondiale envisage de recommander au gouvernement d'opérer au cours de l'année prochaine une dévaluation du Dirham en vue d'encourager les exportations… À votre avis, la dévaluation représente-t-elle la solution judicieuse, sachant que cette mesure a été déjà prise par le passé ? Bien sûr que non. Stimuler les secteurs à l'export ne règle pas pour autant les problèmes structurels du tissu économique national confronté à de multiples défis en termes de mise à niveau, de formation et d'encadrement. La solution, la vraie, réside dans la relance de l'investissement productif à même de générer de la croissance. Or, la réalité est tout autre. Les banques marocaines croulent sous les sur-liquidités qui sont actuellement de près de 5 milliards de Dhs. Mais au lieu que ces sommes phénoménales soient injectées dans les circuits économiques sous forme de projets industriels, la Banque du Maroc intervient à chaque fois pour éponger ces sur liquidités pour soit-disant contenir le niveau d'inflation et maîtriser le déficit. Cette attitude prouve, si besoin est, que les faiseurs de la politique financière continuent à avoir une vision strictement comptable de l'activité économique. D'où la persistance de la crise de confiance qui va en s'aggravant d'année en année. En quoi la Loi de finances 2003 est-elle semblable aux dernières? Le gouvernement Jettou a reconduit les mêmes pratiques que ses prédécesseurs. Un exemple parmi d'autres se rattache à ce que l'on appelle les comptes en mémoire, c'est-à-dire en blanc qui relèvent d'un certain exercice de maquillage. C'est le cas des recettes de l'OCP (Office chérifien des Phosphates). On ne connaît pas les bénéfices de cette entreprise publique, encore moins les circuits empruntés par ces bénéfices. En matière d'opacité, on ne peut pas faire mieux… Dans le même ordre d'idées, ce qu'ils baptisent les comptes spéciaux alloués à certains départements ministériels. Comment un État qui ne donne pas lui-même l'exemple dans l'exercice de la transparence peut-il faire injecter de la clarté dans les veines de la société ? Préconisez-vous la suppression des comptes spéciaux et des comptes en mémoire ? Le bon sens veut qu'un État respectable soit d'abord transparent vis-à-vis de lui-même. Par ailleurs, la Loi de finances actuelle présente les mêmes lourdeurs que les précédentes avec la création de postes budgétaires supplémentaires alors que l'administration publique, déjà pléthorique, a besoin d'une bonne opération de dégraissage.À mon sens, compte tenu des immenses défis qui attendent le pays dans tous les domaines, il serait judicieux que le pays se dote d'une Loi de finances indexée sur la durée du mandat du gouvernement, à savoir 5 ans, de façon à œuvrer pour l'instauration de la confiance, moteur de toute entreprise de développement.