Les sept Trappistes de Tibehirine ont été enlevés et assassinés sur ordre de la sécurité militaire algérienne. Un ex-officier décrit dans le détail les exactions de l'armée durant dix années de sale guerre. L'enlèvement des sept moines français de Tibéhirine, en mars 1996 en Algérie, a été ordonné et monté par la sécurité militaire algérienne, affirme un ancien cadre des services secrets algériens dont la confession a été reprise par le quotidien français « Libération ». Abdelkader Tigha était, à cette date, en poste au Centre territorial de Recherche et d'Investigation (CTRI) de Blida, une région dévastée par la guerre civile. Il fait un récit détaillé sur une opération dont il a été témoin et qui devait « intoxiquer l'opinion internationale et en particulier la France « afin que son soutien à Alger ne faiblisse pas » face à la guérilla islamiste du FIS. Le 24 mars 1996 au CTRI de Blida, Abdelkader Tigha s'étonne de voir arriver directement Mouloud Azzout, terroriste notoire des GIA, et passer la nuit dans cette caserne, haut lieu des opérations d'infiltration des maquis islamistes. Le lendemain vers 9 heures, « c'est le général Sliman Lamari (numéro 2 du Département de Renseignement et de Sécurité -DRS, ex-sécurité militaire) qui arrive à bord de sa Lancia blindée pour voir personnellement Azzout ». La rencontre dure plus de deux heures, dans le service de Tigha en présence notamment du colonel M'henna Djebbar, chef du CTRI. Le même jour, le colonel ordonne « une alerte premier degré, qui interdit à quiconque de quitter son poste de travail ». Les gardes et les sentinelles sont remplacés par des sous-officiers d'active. Le soir, deux camionnettes banalisées sont préparées.» J'ai demandé à un collègue : Où va-t-on ? » « Mission spéciale à Médéa ». Cette localité est située à une trentaine de kilomètres de Blida, au cœur de la Mitidja où chaque roche est un maquis et chaque tournant, une embuscade. La population y est prise en otage entre les tueurs des groupes islamistes et les exactions de l'armée. Les moines qui vivent dans cette région, plus exactement à Tibehirine, sont les seuls témoins extérieurs du drame. Au CTRI de Blida les choses s'accélèrent. Dans la nuit du 26 au 27 mars 1996, les deux fourgons sont rentrés. « On croyait à une arrestation de terroristes, raconte Tigha. C'était malheureusement les sept moines qui venaient d'être kidnappés. Ils ont été interrogés par Mouloud Azzot. Deux jours après, il les a amenés sur les hauteurs de Blida puis au poste de Commandement de Djamel Zitouni, patron du GIA ». Plus tard, les moines sont emmenés dans les maquis de Bougra. Un voyage sans retour. Le 30 mai, leurs têtes seront découvertes par terre ou accrochées à un arbre dans des sacs en plastique à la sortie de Médéa. Au ministère français des Affaires étrangères, on se refusait hier à tout commentaire « pour le moment ». Sans doute parce que la barbarie de cet épisode est telle que ce dossier devient bien encombrant à gérer pour les responsables français .