L'émeute, en Algérie, est devenue un des moyens privilégié pour attirer l'attention des hautes autorités de l'Etat. Les dernières en date mettent en relief l'indispensable réforme financière. Réduire la dépendance vis-à-vis des hydrocarbures est une nécessité. L'augmentation du prix de la bonbonne de butane, décidée par le gouvernement algérien, malgré l'opposition de l'Assemblée nationale, n'en finit pas de susciter la colère des Algériens et l'incompréhension des observateurs étrangers. Son prix ayant été porté de 170 à 200 dinars (1,70 euro à 2 euros environ), la bonbonne a finalement éclaté en violentes manifestations qui ont eu lieu dans la région de Djelfa (sud) et en Kabylie. Pour un pays producteur de gaz, cette décision, qui plus intervient en plein hiver, relève tout simplement de l'inacceptable. Mais, à y regarder de plus près, cette augmentation montre les limites de la structure financière du pays.Longtemps dépendant de la rente pétrolière, le budget de l'Etat algérien, qui dépend à hauteur de 97% du pétrole, se doit d'entamer sa mutation. Mais à quel prix ? En effet, 70% de la fiscalité vient du pétrole. Paradoxalement, la situation financière et les dépenses publiques sont en nette augmentation, toutefois, il n'y a pas de projet structurant. Dans un article traitant de la politique socioéconomique selon le Rassemblement national démocratique (RND) le parti du président Abdelaziz Bouteflika, Abdelkrim Harchaoui, ex-ministre des Finances, membre du bureau du RND et conseiller économique du Premier ministre Ahmed Ouyahia pour le côté réformes n'a pas hésité à avouer que «Nous n'avons pas d'économie hors hydrocarbures». L'Algérie a vécu une situation des plus dangereuses, dira l'ex-ministre des Finances. Entre 1993 et 1994, le taux d'inflation était de 32%, les salaires étaient gelés, le déficit budgétaire égalait 8% du produit intérieur brut. L'indice des prix à la consommation était de 30%. Pour tourner le dos à ses années là, le financier plaide en faveur de la suppression de la fragilité des grands équilibres, l'assainissement de l'économie, la modernisation de l'économie et l'amélioration de la situation sociale. Cependant, tout cela ne peut se concrétiser sans la stabilité politique et la sécurité. Car, dit-il, «le capital et l'investissement sont lâches». En attendant ces réformes, les citoyens font face à des contraintes quotidiennes, alors que les revenus des mannes pétrolière sont abondantes. Une vague de froid exceptionnel s'est abattu sur l'Algérie avec des chutes de neige, des vents froids atteignant plus de 70 km/heure, selon les services de la météo, augmentant les besoins en gaz et en mazout, utilisés pour la cuisine et le chauffage. Les habitants, dans des déclarations à la radio et aux journaux, ont reproché aux autorités, outre cette augmentation, leur incapacité à assurer la disponibilité du gaz en période de forte demande et à juguler sa vente "au marché noir" presque au double de son prix. Ils ont déclaré payer déjà la bonbonne de gaz jusqu'à 250 dinars (2,50 euros environ) lorsque son prix était de 170 (1,70 euro). Avec l'augmentation à 200 dinars (2 euros) de la bonbonne, ils ont affirmé qu'elle avait atteint 350 dinars (3,50 euros) dans certaines régions montagneuses. Réagissant à ces manifestations, le chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, dénonçant des "manipulations de rentiers et de politiciens", a affirmé lundi que "l'ordre sera préservé et la loi rigoureusement appliquée". Il a justifié la hausse des prix du mazout et du gaz butane par "la nécessaire rentabilité de l'entreprise d'Etat qui les produit et qui doit améliorer ses marges bénéficiaires pour continuer d'exister". Depuis les émeutes du printemps noir en 2001 en Kabylie, qui ont fait 126 morts, selon un bilan officiel, l'émeute est devenue un des moyens privilégié pour attirer l'attention des hautes autorités de l'Etat et dénoncer l'incurie des responsables locaux, souvent accusés de "favoritisme" et de "corruption".