Toutes les heures blessent, la dernière tue. A la séculaire Médina de Marrakech cette épitaphe qui a fait son temp y a peut-être encore sa place. Des murs, vieux de plusieurs siècles, tombent ou reculent devant le béton et la soif mercantile de quelques ambitieux venus gagner l'argent facile. Les riads, c'est de leur sort qu'il s'agit, rajeunissent de toute part, mais souvent sans le patio de rigueur, ici transformé en d'innombrables pièces, pour, dit-on, recevoir le plus grand nombre de touristes, là, devenu piscine, ailleurs une arrière-boutique, un jardin artificiel abondamment arrosé et qui révulserait plus d'un botaniste. Des piscines, il y'en a de tous les goûts à Marrakech, jusque sur les terrasses avec, pour bien marier le luxe à la démesure, des ascenseurs. Et personne pour s'alarmer sur le devenir de ce patrimoine ? Personne pour dénoncer ? Il y a certes l'agence urbaine, mais il y a surtout les bonnes volontés. Au premier rang de ces personnes, l'ancien chef de la mission diplomatique allemande à Damas, entre 1973 et 1977, ancien chargé d'affaires à l'ambassade d'Allemagne au Caire (19854-1985), ambassadeur en Jordanie (1985-1990) et ambassadeur d'Allemagne à Rabat de 1995 à 1999. Feu Herwig Bartels, amoureux de Marrakech et de sa Médina, y a pris racine après de bons et loyaux services rendus à son pays. Il aimait la Médina, un peu comme le prince de Salsbourg ou comme Charles Aznavour venu dernièrement, ajouter un peu du cosmoplitisme à une médina qui compte plus de 406 maisons d'hôtes. Sa carrière diplomatique achevée en 1999, Bartels la continua dans son riad, le El Cadi, un modèle bien restauré dans le respect de l'art et qui était devenu, de l'Angleterre, de l'Allemagne et de tout le monde anglo-saxon, une petite vitrine des traditions bien conservées de Marrakech. C'est là qu'il aimait recevoir, lire et écrire. C'est là qu'étaient assemblés tous les souvenirs glanés dans le monde arabe, à l'image de cette pierre ommeyyade savamment bien conservée, objet de curiosité pour le profane et richesse inestimable pour les spécialistes. Excellent arabophone, grand diplomate, feu Bartels s'est fait des amis surtout parmi ceux qui se sont donnés pour cause la préservation du patrimoine historique et architectural de la Médina. C'est donc avec une grande affliction que Marrakech a appris son décès survenu le 2 août dernier alors qu'il était en voyage en Allemagne. Un hommage vibrant lui a été rendu le 11 octobre 2003, en présence des autorités de la ville, de représentants de l'association des maisons d'hôtes et de tous ceux qui pensent que l'aventure culturelle et historique de la Médina doit continuer.