Mercredi, l'émissaire du président tchétchène, Akhmed Zakaïev, a été placé en prison préventive durant 13 jours par la police danoise, à la demande de Moscou qui pourchasse, où qu'ils soient, les indépendantistes. Au Kremlin, le mot d'ordre semble désormais être celui de l'éradication par tous les moyens possibles du mouvement indépendantiste tchétchène : rafles en Tchétchénie, arrestations en masse de collaborateurs présumés à la prise d'otages du théâtre à Moscou, et - depuis mercredi - l'arrestation des représentants de la République caucasienne. Si les deux premières mesures ne font en fait que s'intensifier à depuis samedi dernier, l'interpellation d'Akhmed Zakaïev a elle de quoi susciter des interrogations. Pourquoi les autorités danoises ont-elles répondu à la requête de Moscou alors qu'elles lui avaient tenu tête deux jours plus tôt en maintenant, à Copenhague, la tenue du Congrès mondial sur la Tchétchénie ? Principal porte-parole du président tchétchène, dont l'administration est devenue de facto illégale avec l'offensive russe de 1999, M. Zakaïev occupait aussi les fonctions de vice-Premier ministre. La police danoise a dit avoir reçu des autorités russes des informations selon lesquelles il était soupçonné d'avoir participé aux préparatifs de la prise d'otages du théâtre de Moscou, ainsi qu'à d'autres actes terroristes entre 1996 et 1999. «La police de Copenhague estime qu'il s'agit d'une base suffisante pour justifier l'arrestation», indiquait mercredi un communiqué officiel. L'émissaire du président Maskhdov se trouvait d'ailleurs en terre danoise à l'occasion du fameux Congrès, à l'origine d'une crise diplomatique entre Moscou et le Danemark, président en exercice de l'Union européenne. Akmed Zakaïev était intervenu lundi, au nom du dirigeant séparatiste, pour réclamer de Vladimir Poutine l'arrêt des combats et l'ouverture de négociations. «Il n'y a aucune solution militaire au conflit» qui embrase la petite république et empoisonne la Russie depuis trois ans, avait-il alors affirmé. Akhmed Zakaïev a été arrêté dans la nuit de mardi à mercredi puis placé en prison préventive pendant 13 jours, jusqu'au 12 novembre. Ce «n'est pas un terroriste», s'est aussitôt indigné l'ex-président communiste du Parlement russe, le Tchétchène Rouslan Khasboulatov. Les autorités moscovites, elles, se sont félicitées de la nouvelle, tout en espérant à présent que M. Zakaïev soit «le plus rapidement possible» extradé. «Il est vital que Zakaïev soit extradé aussi vite que possible», a ainsi déclaré le président de la Chambre basse, Guennadi Zelezniov, cité par l'agence RIA. Justifiée, selon le président Poutine, par la persistance de «la menace terroriste», la traque des militants tchétchènes a par ailleurs pris cette semaine des allures de véritables chasses à l'homme, en Russie comme dans le Caucase. A Moscou, plusieurs dizaines de personnes, des collaborateurs présumés à la prise d'otages du théâtre, ont été interpellées depuis samedi. Les «rafles» dans les villages tchétchènes ont elles aussi été multipliées et les affrontements entre rebelles et troupes russes ont encore repris. Dans son rapport publié mardi sur la situation des droits de l'homme en Russie, Amnesty International relevait déjà des cas de disparitions, d'enlèvements et de tortures en Tchétchénie. Intitulée « Fédération de Russie, un pays sans véritable justice », cette étude notait que les forces russes «seraient notamment responsables d'exécutions extrajudiciaires, de viols et d'autres actes de torture» sur la population civile de cette république que Moscou, malgré une seconde intervention militaire, n'arrive toujours pas à museler.