Après avoir voté vendredi une loi restreignant les libertés des médias russes face aux actions «terroristes», Moscou entend réduire le conflit tchétchène au silence en lui ôtant tout porte-parole. L'asile politique, c'est l'un des seuls recours dont dispose aujourd'hui Akhmed Zakaïev, l'émissaire du président tchétchène, placé en détention pour une période de 13 jours au Danemark depuis mercredi dernier. Arrêté à Copenhague à la demande de la Russie, il est actuellement sous la menace d'une extradition après avoir été accusé par le Kremlin d'implication dans plusieurs actes terroristes, dont la prise d'otages du théâtre moscovite le 23 octobre. Selon son avocat, Tyge Trier, un spécialiste de ce genre de dossiers à la Cour européenne des droits de l'homme, Akhmed Zakaïev envisageait ce dimanche une demande officielle d'asile, requête qu'il pourrait déposer mardi ou mercredi. Copenhague a de son côté indiqué samedi qu'elle attendait de nouvelles preuves avant de répondre à la Russie. «Nous avons reçu une demande officielle d'extradition, mais les informations que nous avons reçues jusqu'ici sont insuffisantes. Nous avons par exemple besoin d'une traduction officielle et de davantage de preuves factuelles», a déclaré une porte-parole du ministère de la justice, ajoutant que Copenhague avait demandé à Moscou un complément d'informations et que M. Zakaïev resterait en prison en attendant une réponse. Le responsable tchétchène, tout comme le président de la république caucasienne, Aslan Maskhadov, avait condamné la prise d'otages de quelque 800 personnes par le commando. Laquelle opération a été revendiquée par le leader des indépendantistes radicaux, Chamil Bassaïev. Ce dernier a, par le biais d'un site internet, aussi averti vendredi que la guerre serait menée désormais par des commandos-suicide sur tout le territoire russe. Dans son communiqué, Chamil Bassaïev a déclaré que son bataillon de martyrs «avait mené une opération réussie dans le repaire de l'ennemi, en son cœur même, dans la ville de Moscou ». «Le but de l'opération était d'arrêter la guerre, le génocide du peuple tchétchène, et si cela échouait, de montrer au monde entier que la direction russe peut tuer ses citoyens au centre de Moscou, sans hésitation ni regret, de la manière la plus cruelle», a-t-il ajouté. Et de conclure que « tant qu'un seul soldat russe se trouvera sur la terre tchétchène, cette guerre se poursuivra, désormais non seulement sur le territoire tchétchène mais sur tout le territoire de la Russie, le pays agresseur ». Le Kremlin a aussitôt réagi en accusant le chef de guerre de chercher à « blanchir » le président Maskhadov dans cette affaire. Une opération qui s'est soldée par la mort des 50 membres du commando, certes, mais aussi et surtout par celle d'au moins 119 des 800 otages, tués par le gaz utilisé lors de l'assaut lancé le 26 octobre. Largement couverte par les médias russes, la méthode utilisée tout comme le silence officiel sur la nature du gaz utilisé - un dérivé du Fentany - a suscité l'indignation internationale. Cet intérêt a largement dérangé les autorités russes qui ont montré au monde entier qu'elles étaient prêtes à tout pour étouffer l'élan indépendantiste tchétchène. Pour remédier à cela, la Douma (Parlement) a donc voté vendredi une nouvelle loi limitant fortement la liberté des médias d'informer le public sur les «opérations antiterroristes», autrement dit entre autres, sur le conflit russo-tchétchène. Cette guerre, relancée en 1999 par Poutine après un premier échec de Boris Eltsine, était déjà entourée de larges zones d'ombres. Elle promet aujourd'hui de devenir plus sombre encore.