Un ex-métallurgiste président ? Les Brésiliens s'apprêtaient dimanche à faire un bel affront aux élites du pays en élisant à leur tête le candidat du Parti des Travailleurs, Lula. Dont ils attendent de nombreux changements. Les jeux n'étaient certes pas officiellement faits ce dimanche, jour du second tour de l'élection présidentielle au Brésil - puisqu'il fallait attendre les résultats officiels -, mais la victoire était tellement assurée que les partisans du héros Lula avaient déjà commencé la fête. Sorti en tête du premier tour avec 46,7 % des suffrages contre 23,6 % pour son principal adversaire, José Serra (social-démocrate), Luiz Inacio Lula da Silva avait alors manqué de peu la magistrature suprême. Depuis il a reçu le précieux soutien des partis arrivés en troisième et quatrième positions le 6 octobre dernier, et a été propulsé en tête de tous les sondages. Ce dimanche, plus personne ne doutait donc de l'accession au pouvoir de Lula. Une victoire qui allait dans le même temps propulser pour la première fois depuis quatre décennies un homme de gauche à la tête du Brésil. Le dernier en date, Joao Goulart, avait été renversé en 1964 par une junte de généraux restés au pouvoir jusqu'en 1985, période durant laquelle le syndicaliste Lula avait été jeté en prison. Candidat pour la quatrième fois à la présidence au nom du mouvement qu'il a fondé, le parti des Travailleurs, Luiz Inacio Lula da Silva n'a jamais fait d'études poussées. Il a d'abord été cireur de chaussures avant de devenir ouvrier métallurgiste. Il a eu un long passé de syndicaliste qui lui vaut aujourd'hui le large soutien des pauvres et des membres de la classe moyenne, lassés par une violence et une crise économique que son prédécesseur, le centriste Fernando Henrique Cardoso n'a pas su atténuer. Pour parvenir à recueillir les quelques 68 % de voix annoncées des 115 millions d'électeurs inscrits, Lula a cependant dû mettre de l'eau dans son vin. Après trois échecs, il a opté pour une formule plus centriste et a modéré son discours pour séduire les classes conservatrices et les hommes d'affaires sceptiques sur sa capacité à gérer cette grande puissance économique handicapée par une dette de 260 milliards de dollars. Des changements qui font dire à certains que l'on a aujourd'hui à faire à un «Lula light» qui a troqué ses jeans pour des costumes… Mais qu'importe, la victoire probable de cet homme qui fêtait aussi dimanche ses 57 ans, est déjà une révolution en soi. Et un lourd défi pour la gauche brésilienne qui devra répondre aux attentes des plus pauvres, le tiers de la population. Face à cette précarité, la moitié des richesses du pays sont concentrées entre les mains de 10 % des Brésiliens. De là découlent notamment une société ravagée par le chômage et l'insécurité, une croissance économique très faible, et des déséquilibres énormes entre les différentes régions-Etats du pays. « Je veux entrer dans l'Histoire du Brésil comme étant le président qui a le plus dialogué avec les industriels, les syndicalistes et toutes les forces politiques», a déjà déclaré Lula samedi, à la veille de l'ouverture des 406.000 «urnes» informatisées du pays… une autre révolution brésilienne.