Bush veut désormais utiliser la force contre Bagdad et durcit le ton avec la France. Saddam se dit prêt au combat, alors que la Syrie s'interroge sur les conséquences d'une guerre qui morcellerait l'Irak. Kofi Annan a demandé jeudi l'ouverture du débat sur l'Irak devant le Conseil de Sécurité de l'ONU, dans la recherche d'une dernière chance pour l'Irak, pour éviter une guerre meurtrière gratuite. Ce débat, demandé aussi par l'Afrique du Sud au nom du Mouvement des Non-Alignés, sous forme d'une succession de discours n'a aucune influence sur le Conseil de Sécurité dont les 15 membres ne sont tenus théoriquement par aucune contrainte et son libre d'assumer leur vote. Par contre, le débat pourrait compliquer la diplomatie américaine s'il fait apparaître qu'une large majorité de pays est contre une approche trop belliciste dans cette crise. En outre, trois membres permanents du Conseil de Sécurité, Russie, France et Chine, ont le droit de veto et sont donc en mesure de contrecarrer toute démarche américaine qui ne répondrait pas à leurs attentes. Pas étonnant, dans ces conditions, que les Etats-Unis manifestent leur impatience devant l'impasse diplomatique sur le vote d'une nouvelle résolution à l'encontre de l'Irak. «Notre patience ne va pas être éternelle», dit une source américaine autorisée. Interrogée sur la possibilité de voir Washington renoncer à passer par les Nations unies, cette source a répondu : «pas encore, mais il faudrait qu'en décide à un moment quelle ligne rouge ne peut être franchie». En signant la résolution du Congrès lui donnant droit de frapper l'Irak, même s'il faut contourner l'obstacle onusien, le Président George Bush a déclaré que « si l'Irak veut éviter une action militaire, il a l'obligation de faire la preuve de sa soumission à toutes ses requêtes » et de livrer l'inventaire précis et exhaustif de tous ses matériaux militaires, chimiques, biologiques et nucléaires ainsi que ses missiles. Dans cette même logique, les Etats-Unis veulent désormais «faire preuve de grande fermeté avec la France, qui s'oppose à la guerre contre Bagdad. Le secrétaire d'Etat américain a déclaré jeudi «qu'il est maintenant temps que la France agisse». Powell entend « être courtois mais insistant sur le dossier irakien avec les responsables français. Mais rien ne semble pouvoir faire fléchir la France qui par la voix de son président a réaffirmé être «tout à fait hostile» à un recours automatique à la force». Saddam Hussein ne semble nullement impressionné par la détermination américaine. Il se dit mieux préparé à combattre après son plébiscite pour un nouveau mandat de sept ans. « L'Irak est plus confiant dans l'avenir et il est mieux préparé à combattre après le référendum », a déclaré Saddam Hussein. Il a estimé également que la campagne américaine hostile à son pays avait contribué à sa reconduction à l'unanimité à la tête de l'Etat. Pas loin de là, la Syrie s'interroge avec anxiété sur les conséquences régionales d'une intervention américaine contre l'Irak qui pourrait entraîner le morcellement de ce pays et l'émergence d'un Etat indépendant kurde. Une frappe américaine «ne serait que le début d'un scénario élaboré aux Etats-Unis pour redresser la carte géopolitique» du Proche-Orient, a affirmé un analyste syrien. Selon lui, la Syrie est lucide. «Elle tient compte des développements futurs», en particulier près de sa frontière Est, dans le Kurdistan irakien. La Syrie n'a pas intérêt à voir émerger un Etat kurde indépendant voisin de ses régions à forte concentration kurde. Cela pourrait tenter sa population kurde estimée à près de deux millions de personnes. La Syrie a bien raison de s'inquiéter. Avec l'Egypte et l'Arabie saoudite, elle est considérée par les Etats-Unis comme berceau du terrorisme, selon une nouvelle vision américaine du Proche-Orient, écrivait le journaliste britannique Patrick Seal, un spécialiste de la Syrie : «Damas, dépossédé de son rôle régional, s'estimerait heureuse si elle échappait à une frappe après l'Irak», ajoute M. Seale.