Entretien avec Patrick Joleaud, directeur général du Groupe CMA CGM Maroc ALM : Tout d'abord comment le groupe CMA CGM arrive-t-il à équilibrer sa balance pour créer et maintenir une ligne ? Patrick Joleaud : Pour l'escale d'un bateau il y a plusieurs éléments qui rentrent en ligne de compte. Il y a la réalité des volumes à venir charger, la présence réelle des lignes sur ce trajet et puis le coût d'escale puisque chaque escale a un coût. Ce dernier comprend la location du bateau parce que tous les bateaux ne nous appartiennent pas. Qu'en est il de la ligne de Dakhla nouvellement créée? L'équilibre expliqué et qui doit être réalisé entre les volumes, la ligne et le coût d'escale est un point auquel on tient dans un graphique à trois dimensions. Les professionnels de Dakhla nous ont fait appel pour développer une nouvelle solution logistique et nous avons pris la décision de mettre en place cette ligne malgré un équilibre financier négatif. Nous tenons à rester précurseurs dans un nombre de domaines. Suite à cet appel nous avons étudié la possibilité et organisé des réunions avec les chefs d'entreprises. La première escale a démarré le 26 juillet et se fera deux fois par mois. Notre objectif est de passer en ligne hebdomadaire. Nous débutons par le poisson congelé en ayant pour objectif d'exporter la conserve, la farine et à moyen terme les productions agricoles. Nous envisageons également de faire venir les professionnels de Marseille pour leur faire découvrir les potentialités de la région. Cette ligne permettra de relier Dakhla à un hub international (Tanger Med) et donnera à ses produits une ouverture sur de nombreux marchés internationaux. Nous ne concurrençons pas le transport routier mais nous permettons de mettre en place une solution alternative qui assure la qualité du produit pendant son transfert. Comment envisagez-vous de relever le challenge d'assurer la continuité et la rentabilité de cette ligne et de vos lignes au Maroc ? Pour maintenir la balance nous espérons favoriser l'import du port de Tanger et charger également de Casablanca vers Dakhla. En matière de transport maritime, l'idéal est d'arriver avec des conteneurs pleins et de faire le retour avec le même nombre de conteneurs pleins. On cherche toutes les solutions dans ce sens. Arriver vide au port est une perte sèche. L'idée est de transporter avec ces conteneurs de la marchandise et d'arriver à maintenir un équilibre entre les entrants et sortants. Ce qu'on appelle une balance des conteneurs. L'un des défis majeurs est le fait que nous exportons beaucoup de produits du Maroc avec une température contrôlée alors que les importations sont des matières premières. Et ce ne sont pas les mêmes conteneurs. Le challenge est d'arriver à gérer les flux sans déstabiliser cet équilibre et avec la même flotte. Ceci étant, nous comptons énormément sur le développement de cette région de Dakhla en matière d'aménagement du territoire et des projets industriels. Qu'en est-il de votre projet d'exportation des langoustes marocaines ? Notre première expérience de nouvelle génération de conteneurs «Aquaviva» de transport d'animaux aquatiques vivants a été réalisée avec la France et le Canada en matière de homards. Cette nouvelle innovation ouvre de nouvelles perspectives. Et suite à la grande réussite de cette expérience nous envisageons et étudions de transporter les langoustes du Maroc, notamment les langoustes vertes de Dakhla et rouges d'Agadir. Nous pouvons commencer par programmer Maroc-Marseille et Maroc-Asie. Quelle place accordez-vous à l'innovation dans votre stratégie ? L'innovation est inscrite dans l'ADN du Groupe CMA CGM. Le groupe est leader par sa flotte Reefer qui s'adapte aux besoins de protection et de préservation de l'ultra froid à la réfrigération. Les avancées en la matière profitent à tout le monde puisque nous transférons ce savoir vers toutes les destinations pour répondre aux exigences et demandes de nos clients. Notre objectif n'est pas tout simplement de réaliser des volumes mais surtout de développer des solutions et nous sommes contents du fait de pouvoir transférer ces innovations pour en faire profiter le Maroc. Nous travaillons chaque année sur une panoplie de techniques de développement et d'innovation avec les professionnels des secteurs concernés. Ceci étant, nous envisageons de mettre en place au cours de cette année une ligne directe du Maroc vers la Russie avec l'augmentation de la demande du marché russe en matière de primeurs. Le temps du transport sera de neuf à neuf jours et demi.